Entre anatomie et esthétique, entre médecine et art, le plastinat vient nous questionner sur le statut du corps humain et vient nous interpeller sur les enjeux de cet acte visant à « ré-injecter » de la vie dans la mort, dans une confusion entre permanence et existence. Comment envisager ce curieux objet de fascination qu'il peut venir incarner à la fois pour le spectateur et pour son créateur ? Entre sublimation du corps et perversion des catégories (sujet/objet ; vie/mort) que nous donne à voir le Docteur Gunther von Hagens et quelle conception éthique de l'humain vient-il bouleverser ?
Dans Si c’est un homme , Primo Levi décrit les conditions qui mènent un homme à ne plus se sentir tout à fait humain et à faire du muselmann la figure ultime de la déshumanisation. Le titre même de son livre peut s’entendre comme une question que les Nazis ont imposée à l’homme lui-même. En chosifiant l’individu, en réduisant l’homme à un déchet, il aura lui-même à se répondre : « Si cette chose, c’est moi. Suis-je à même de me considérer encore comme un homme ? » À ce titre le fonctionnement du lager s’établit, selon nous, sur l’ensemble des procédés de la honte et il aboutit au mieux, au doute, au pire, à l’exclusion de soi du tableau de l’humanité et de l’espace privé de sa propre subjectivité. Dans son rêve récurrent d’Auschwitz, Primo Levi décrit l’indifférence de ses proches et du reste du monde. Cette impossibilité à recréer du lien par le récit le confronte à ce qu’il nomme « douleur à l’état pur ». En quoi l’écriture viendrait circonscrire, border, cette douleur qu’il ressent dans ce qu’il appelle sa propre « cassure », dans sa rupture avec le sens et dans le lien à l’autre ? Face à ce rêve récurrent d’Auschwitz, répétition de la désolation de l’être et surgissement d’une solitude concentrationnaire, Primo Levi trouve et retrouve la lettre, sa lettre. Une lettre qui elle seule peut donner consistance au rien, qui, elle seule, peut donner une trace, une marque au vide. Il existe des enfants qui savent jouer là où il n’y a rien. N’est-ce pas une qualité de l’enfance, une qualité de l’écrivain, du peintre ou du poète de créer à partir du vide ? Là où d’autres n’y voient rien ?
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.