L’article est fondé à la fois sur un séminaire consacré aux problèmes méthodologiques d’une histoire sociale des idées et sur un travail en cours sur l’histoire sociale du structuralisme français. Tout d’abord, il analyse les rapports différents de l’histoire et de la science politique à l’histoire des idées. Ensuite, il examine les ressources épistémologiques qu’offrent l’école de Cambridge et principalement Quentin Skinner. Son étude de la pensée politique est en effet particulièrement utile pour interpréter les textes sans céder à ce qu’il désigne comme « mythologies » (« mythologie des doctrines », « mythologie de la prolepse » et « mythologie de la cohérence ») et pour prêter attention à un grand éventail de textes au sens large (livres, grands ou petits, pamphlets, mais aussi pièces de théâtre, frontispices, fresques, etc.). Mais si ces écrits fondés sur la philosophie du langage d’Austin et de Wittgenstein sont très précieux pour interpréter sans anachronisme une théorie politique, ils ne s’intéressent pas à ses explications sociales. C’est pourquoi l’article explore deux approches complémentaires. Premièrement, il étudie le lien entre les crises et les idées politiques, à la manière dont Tackett l’a fait pour comprendre la radicalisation des élus aux États généraux ou la montée du républicanisme lorsque Louis XVI a pris la fuite avant d’être arrêté à Varennes. Deuxièmement, il propose une sociologie de tous les producteurs d’idées politiques (auteurs, éditeurs, critiques, journalistes, partis politiques, lecteurs, etc.). Le concept de « champ » (Bourdieu) ou la pluralité des facteurs du droit pour Max Weber sont présentés comme autant de garde-fous face à un déterminisme mécanique. L’article s’achève sur la comparaison entre les « mondes de l’art » de Howard S. Becker et les idées politiques, de manière à être attentif à la dimension collective de celles-ci et aux effets de cette dimension collective sur le contenu des idées.
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