Référence électronique Hélène Quashie, « Les « origines » présumées du chercheur. Ethnicisation et racialisation de la relation d'enquête dans des contextes migratoires vers le « Sud » (Sénégal) », Revue européenne des migrations internationales [
Cet article explore les pratiques sociales et académiques françaises en Afrique via l’Institut de Recherche pour le Développement. Elles révèlent des mécanismes sociaux d’isolement des chercheurs expatriés français dans les sociétés d’accueil, des hiérarchies économiques et institutionnelles vis-à-vis de leurs homologues locaux, entrainant des divisions identitaires entre acteurs qui entretiennent des processus de racialisation. Ces processus apparaissent également dans l’orientation scientifique des programmes de recherche et nourrissent une asymétrie académique en faveur de la France vis-à-vis des pays africains où sa recherche s’expatrie, en dépit de nombreuses réflexions épistémologiques.
La « blanchité » au miroir de l'africanité Migrations et constructions sociales urbaines d'une assignation identitaire peu explorée (Dakar) La notion de « blackness », souvent construite de manière ambivalente par rapport à celle d'« africanité », connaît aujourd'hui un écho certain sur le continent américain, dans les Caraïbes et en Afrique subsaharienne (Fouquet & Bazenguissa-Ganga 2014). Cette labellisation identitaire s'est forgée autour d'une quête d'authenticité socioculturelle et d'une ethnicité globalisée (Cunin 2006). En revanche, peu de recherches s'intéressent à la notion de « blanchité » qui traverse tout autant les sociétés évoquées et constitue une matrice sociale explicite vis-à-vis de laquelle se construisent aussi les notions de « blackness » et d'africanité. Fanon (1952) ne posait-il pas le fait d'être « noir » par rapport à celui d'être « blanc » ? La « blanchité » s'inscrit dans des logiques d'ethnicisation qui dépassent les contextes nationaux, se révèle aussi comme un stigmate dans la mobilisation sociale des différences, et trouble parfois les frontières hiérarchisées des relations Nord-Sud. Elle permet également de constater que les assignations identitaires « ethniques » ne circulent pas à sens unique, de l'Occident vers l'Ailleurs. Nous nous référerons davantage au concept d'ethnicisation, plutôt qu'à celui de racialisation, car la notion de « blanchité » dépasse le simple critère chromatique. Dans le contexte étudié, elle peut en effet sous-tendre des marqueurs sociaux de différenciation vis-à-vis d'individus « non blancs » en référence, par exemple, à leur classe sociale et leur style de vie. Il semble donc pertinent d'analyser ses constructions sociales plurielles, ses référents globalisés et la façon dont ils nourrissent les crispations et labilités identitaires contemporaines. Cette contribution 1 s'intéresse à un processus d'ethnicisation peu exploré, et pourtant présent dans les migrations transnationales actuelles. Les Whiteness studies ont ethnicisé « l'universel » pour analyser différemment les rapports sociaux de domination (Cervulle 2012), de même que le postcolonialisme 1. Ce texte est une version remaniée de la communication présentée lors du colloque « L'altérité à l'épreuve de la fluidité » en novembre 2014 à l'EHESS. Je remercie Éric Fassin pour ses précieux conseils qui m'ont permis d'écrire cet article.
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