La naissance en mutation, un enjeu pour la sociologie ?

Abstract

Les naissances n’ont plus vocation à « perpétuer un monde immobile ». Elles s’inscrivent dans un monde ouvert, un environnement fait d’incertitudes et de désirs. Au-delà des mutations démographiques et de la politique en matière de natalité en France qui interviennent à une échelle macro, deux mouvements antinomiques à bien des égards ont contribué à façonner « la naissance ». La médicalisation qui a pour corollaire une professionnalisation de l’accompagnement et une organisation établie sur le modèle du risque obstétrical, inscrit la naissance dans des dispositifs prescrits faisant de la parturiente essentiellement une patiente. Cette administration des naissances, assimilable à un biopouvoir, peine aujourd’hui à instituer car elle tend à réduire la naissance au suivi de grossesse, puis à l’accouchement, alors que les parents l’inscrivent dans un tout autre régime de temporalité. Donner naissance est un événement, qui s’initie par un projet jusqu’à l’expérience de la parentalité. Cette valorisation de l’intime va de pair avec un rapport authentique à l’enfant. Article de synthèse, ce texte vise à identifier les enjeux relatifs à la naissance et au naître en déplaçant le curseur d’études empiriques, vers une perspective plus globale. Étudier l’entrée des individus dans la vie, ce qui fait l’existence d’un être humain reconnu socialement, pourrait être le principal objectif des travaux à venir.

Le décès périnatal comme bifurcation temporelle : les parcours de vie de femmes après une fausse couche

“…Ce rapport peut être ambivalent pour certaines femmes et le sens que prend la fausse couche peut dès lors varier en fonction du degré d'investissement parental de ces femmes. Cela dit, s'il est vrai que l'investissement parental par rapport au bébé se situe sur un continuum, « quelque part entre rien et tout, entre chose et personne dans le processus continu périnatal de l'humanisation » [31], il semble que ce processus s'accélère en raison de phénomènes sociohistoriques bien expliqués par Clavandier et Charrier [32]. Le foetus peut par conséquent être investi comme un bébé à part entière très tôt dans la grossesse.…”

“…Le foetus peut par conséquent être investi comme un bébé à part entière très tôt dans la grossesse. Les échographies prénatales jouent un rôle crucial à cet égard car elles permettent au lien fi lial de se former de manière tout à fait inédite à travers ce statut de spectateur rendu possible par ces technologies [33] et participent par là même à ce mouvement d'investissement précoce (32). Dès lors, si la fausse couche peut être vécue et interprétée différemment d'une femme à l'autre, il reste que le contexte social actuel encourage un investissement précoce avec le bébé et fait de ce dernier un « bien rare et précieux ».…”

“…Dès lors, si la fausse couche peut être vécue et interprétée différemment d'une femme à l'autre, il reste que le contexte social actuel encourage un investissement précoce avec le bébé et fait de ce dernier un « bien rare et précieux ». [32] Il n'est donc pas rare que la fausse couche soit vécue comme une crise biographique, même si cela n'est pas systématique.…”