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Le renforcement de l’appareil sécuritaire constitue un des éléments de la reprise en main autoritaire dans l’Égypte post-révolution 2011. Analysée de manière institutionnelle dans des travaux en sociologie et sciences politiques, nous supposons que cette reprise en main peut être également étudiée par le bas, à l’échelle de la rue. Cet article propose d’analyser les pratiques des forces de l’ordre selon leurs spatialités dans le centre-ville du Caire. S’appuyant sur une sociologie interactionniste et une géographie attentive à la dimension sensible des espaces, ces spatialités sont reliées à la notion de performances sécuritaires. A travers cette notion, il s’agit de rendre compte de la manière dont les pratiques et dispositifs policiers s’approprient les espaces urbains, constitués alors comme des enjeux de la sécurisation et, en retour, construisent les espaces de la rue et de la place comme des espaces où un ordre spatial sécuritaire s’impose. Nous déplaçons également les analyses des pratiques policières souvent faites en contexte de contestations pour s’intéresser à la manière dont les performances sécuritaires se manifestent au quotidien. Elles contribuent certes à une anticipation des pratiques contestataires mais également à des contraintes pour les pratiques et perceptions quotidiennes des usagers et usagères des espaces urbains. Ces contraintes varient selon les espaces, les temporalités, le rôle des policiers et l’identité affichée ou assignée des citadins et des citadines. Sont ainsi analysées tour à tour trois dimensions spatiales de la police : la localisation des forces de l’ordre, les infrastructures matérielles qui occupent l’espace et permettent un filtrage des mobilités, les représentations spatiales des policiers. Les performances corporelles des policiers passent par leur uniforme, leur geste et leur posture qui les rendent visibles et contribuent à produire des comportements de méfiance et de soupçon de la part des usagers et usagères. Cependant ces performances corporelles varient selon le type des acteurs de la police, témoignant du fait que les acteurs de la sécurité rattachés au ministère de l’Intérieur ne sont pas un bloc monolithique. Les checkpoints produisent un paysage sécuritaire dont les perceptions varient entre tranquillité et familiarité d’un côté et insécurisation et incertitude de l’autre. Le premier type correspond principalement aux checkpoints devant les lieux de culte : les interactions quotidiennes sont plus importantes avec ces policiers, l’emprise spatiale de la présence policière est peu contraignante et n’est expérimentée que lorsqu’on se rend dans les lieux de culte, la raison de leur présence liée au risque terroriste paraît plus légitime. Le deuxième type correspond aux checkpoints autour des institutions politiques et lors des moments d’intensification sécuritaire pour empêcher les manifestations : la distance quotidienne est plus grande avec les policiers qui y sont présents, leur emprise spatiale contraint plus les mobilités et impose parfois des détours, leur rôle est jugé moins légitime et insécurisant. Ainsi, les contraintes liées aux performances sécuritaires varient selon leur rôle, les lieux et les temporalités. Enfin, des performances discursives se manifestent lors des interrogatoires menés par les policiers. Leur fréquence et issue dépendent de certaines caractéristiques des citadins et citadines. A une échelle plus large, cet article montre comment le contexte spatial et politique du centre-ville explique les performances sécuritaires : présence d’institutions à protéger, lieux historiques des contestations, projet d’attractivité touristique. En retour, les performances sécuritaires construisent le centre-ville du Caire comme étant une zone sensible où la présence des policiers, des checkpoints et la réalisation d’interrogatoires sont autant de rappels à l’ordre social, manière de dire à chacun sa place et de qui dispose du pouvoir coercitif mais également à un ordre spatial, manière de signifier à qui appartient le centre-ville.Cette recherche s’appuie sur différentes enquêtes de terrain menées au Caire en 2015 puis entre 2019 et 2021. Des observations des espaces urbains de Wast al-Balad ont permis de faire des relevés systématiques et de produire une cartographie des infrastructures de sécurité et des forces de l’ordre. Une soixantaine d’entretiens ont été conduits auprès de résidents et résidentes et d’usagers et usagères du centre-ville. Ces entretiens portant tout d’abord sur des pratiques quotidiennes – se déplacer, consommer, travailler, se détendre, rencontrer du monde – ont également été l’occasion de travailler sur la manière dont la police est perçue et de collecter des micro-récits sur des situations types avec les officiers de police.
Le renforcement de l’appareil sécuritaire constitue un des éléments de la reprise en main autoritaire dans l’Égypte post-révolution 2011. Analysée de manière institutionnelle dans des travaux en sociologie et sciences politiques, nous supposons que cette reprise en main peut être également étudiée par le bas, à l’échelle de la rue. Cet article propose d’analyser les pratiques des forces de l’ordre selon leurs spatialités dans le centre-ville du Caire. S’appuyant sur une sociologie interactionniste et une géographie attentive à la dimension sensible des espaces, ces spatialités sont reliées à la notion de performances sécuritaires. A travers cette notion, il s’agit de rendre compte de la manière dont les pratiques et dispositifs policiers s’approprient les espaces urbains, constitués alors comme des enjeux de la sécurisation et, en retour, construisent les espaces de la rue et de la place comme des espaces où un ordre spatial sécuritaire s’impose. Nous déplaçons également les analyses des pratiques policières souvent faites en contexte de contestations pour s’intéresser à la manière dont les performances sécuritaires se manifestent au quotidien. Elles contribuent certes à une anticipation des pratiques contestataires mais également à des contraintes pour les pratiques et perceptions quotidiennes des usagers et usagères des espaces urbains. Ces contraintes varient selon les espaces, les temporalités, le rôle des policiers et l’identité affichée ou assignée des citadins et des citadines. Sont ainsi analysées tour à tour trois dimensions spatiales de la police : la localisation des forces de l’ordre, les infrastructures matérielles qui occupent l’espace et permettent un filtrage des mobilités, les représentations spatiales des policiers. Les performances corporelles des policiers passent par leur uniforme, leur geste et leur posture qui les rendent visibles et contribuent à produire des comportements de méfiance et de soupçon de la part des usagers et usagères. Cependant ces performances corporelles varient selon le type des acteurs de la police, témoignant du fait que les acteurs de la sécurité rattachés au ministère de l’Intérieur ne sont pas un bloc monolithique. Les checkpoints produisent un paysage sécuritaire dont les perceptions varient entre tranquillité et familiarité d’un côté et insécurisation et incertitude de l’autre. Le premier type correspond principalement aux checkpoints devant les lieux de culte : les interactions quotidiennes sont plus importantes avec ces policiers, l’emprise spatiale de la présence policière est peu contraignante et n’est expérimentée que lorsqu’on se rend dans les lieux de culte, la raison de leur présence liée au risque terroriste paraît plus légitime. Le deuxième type correspond aux checkpoints autour des institutions politiques et lors des moments d’intensification sécuritaire pour empêcher les manifestations : la distance quotidienne est plus grande avec les policiers qui y sont présents, leur emprise spatiale contraint plus les mobilités et impose parfois des détours, leur rôle est jugé moins légitime et insécurisant. Ainsi, les contraintes liées aux performances sécuritaires varient selon leur rôle, les lieux et les temporalités. Enfin, des performances discursives se manifestent lors des interrogatoires menés par les policiers. Leur fréquence et issue dépendent de certaines caractéristiques des citadins et citadines. A une échelle plus large, cet article montre comment le contexte spatial et politique du centre-ville explique les performances sécuritaires : présence d’institutions à protéger, lieux historiques des contestations, projet d’attractivité touristique. En retour, les performances sécuritaires construisent le centre-ville du Caire comme étant une zone sensible où la présence des policiers, des checkpoints et la réalisation d’interrogatoires sont autant de rappels à l’ordre social, manière de dire à chacun sa place et de qui dispose du pouvoir coercitif mais également à un ordre spatial, manière de signifier à qui appartient le centre-ville.Cette recherche s’appuie sur différentes enquêtes de terrain menées au Caire en 2015 puis entre 2019 et 2021. Des observations des espaces urbains de Wast al-Balad ont permis de faire des relevés systématiques et de produire une cartographie des infrastructures de sécurité et des forces de l’ordre. Une soixantaine d’entretiens ont été conduits auprès de résidents et résidentes et d’usagers et usagères du centre-ville. Ces entretiens portant tout d’abord sur des pratiques quotidiennes – se déplacer, consommer, travailler, se détendre, rencontrer du monde – ont également été l’occasion de travailler sur la manière dont la police est perçue et de collecter des micro-récits sur des situations types avec les officiers de police.
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