Lorsque Thomas Goffe, dans son prologue à The Tragedy of Orestes, écrite et produite à Christ Church (Oxford) entre 1613 et 1618, écrit « So from an old foundation we haue ta'n, / Stones ready squar'd for our new aedifice 1 », il revendique explicitement sa dette envers les auteurs antiques, et la nécessité de les adapter à une tragédie moderne. Ce projet poétique, qui s'inscrit dans la tradition du théâtre universitaire de l'époque comme exercice d'imitation des anciens, est inspiré en premier lieu de l'Agamemnon de Sénèque, tout en revendiquant explicitement le modèle euripidien 2 . Cependant, et cela fait son originalité vis-à-vis du reste de la production universitaire, Thomas Goffe s'inspire également du théâtre populaire et commercial de son temps ; Hamlet de Shakespeare, Antonio's Revenge (1600) de Marston, The Revenger's Tragedy attribuée à Middleton (1606) et The Second Part of the Iron Age par Heywood (1612) constituent ses sources. L'oeuvre est ainsi un édifice palimpsestique, profitant de la vogue des tragédies de vengeance et de leurs revenants, et proposant une réécriture ludique qui oscille entre tonalités sérieuse et parodique.
2Goffe ouvre sa pièce sur le retour d'Agamemnon de Troie, qui est assassiné promptement, sans disparaître pour autant. Dès sa mort, Agamemnon se dédouble ; son cadavre et son spectre reviennent de manière obsédante tout au long de la pièce, présences déstructurées et toujours partielles. Ce perpétuel retour du revenant est particulièrement centré sur Oreste -transformé en adulte au moment du meurtrerévélant le vide laissé par le mort et l'impossibilité pour le fils de faire son deuil. On explorera alors l'hypothèse selon laquelle la présence spectrale d'Agamemnon est construite comme le noeud dramatique, symbolique et visuel de la pièce. La pièce orchestre d'abord la dégradation progressive du corps du mort dans sa matérialité, du Les os, le mort, les sorts : le spectre d'Agamemnon dans The Tragedy of Orest...