Cet article mobilise les données issues d’un travail d’observation participante au sein d’audiences d’expulsion de migrants dans le nord-est des États-Unis en se focalisant sur deux thématiques : (i) l’émergence d’un régime de déportation et ses mécanismes de violence structurelle et (ii) les normes de la violence dans les espaces de ce régime de déportation. Par régime de déportation, nous faisons ici référence aux systèmes et pratiques institutionnels créés par l’émergence d’un état de sécurité exceptionnel, aux appareils et rituels discrets et peu discrets utilisés pour discipliner les esprits et les corps des travailleurs immigrants avec ou sans papiers, et leurs conséquences collatérales. La violence structurelle se réfère aux arrangements systémiques qui infligent des dommages sociaux aux individus en les privant de leurs droits fondamentaux à l’existence, conduisant souvent à leur mort prématurée. L’article explore différentes formes de violence dans les espaces sociaux où le régime exerce son pouvoir presque incontrôlé. Il soutient que la violence qui découle du régime a un impact important non seulement sur les non-citoyens immigrants, mais aussi sur les citoyens immigrants et les citoyens non-immigrants. Cette violence structurelle induit un effet de spirale et d’amplification qui diffuse un large éventail de relations sociales, car son pouvoir intimide, terrorise, contient et subordonne des individus et des communautés, les soumettant à son mandat imposé par l’État pour retirer des éléments « indésirables » du corps social. Ces politiques et pratiques, parrainées par l’État, visent à déshumaniser, désorienter, distraire, humilier et intimider et ne sont pas les conséquences involontaires de politiques autrement rationnelles et mesurées visant le bien commun.