L'interprétation de la violence politique est placée, de façon récurrente, par les media comme par le discours politique institutionnel sous le paradigme du "basculement". Les sciences sociales y voient un engagement à "haut risque" (McAdam, 1986). Afin d'éprouver la validité de ces interprétations, nous avons mené une enquête par entretiens approfondis auprès de l'extrême gauche française. À partir de ces entretiens, nous proposons une détermination de l'engagement radical, nourrie de la parole des acteurs. Il s'avère alors présenter la double caractéristique d'être coextensif à la vie de l'individu et indissociable du fait d'être acteur de ses convictions politiques, en réponse à une injonction morale à l'action. Ces caractéristiques appellent une relecture critique de la thèse de l'entrée en radicalité comme "basculement", montrant que, concernant l'extrême gauche française au moins, il s'agit plutôt d'une prise de conscience, perçue par l’acteur comme irréversible, mais s'inscrivant cependant dans la continuité d'un parcours de vie. Une nouvelle détermination de l'engagement, décrit comme radical, émerge alors en référence à ces deux caractéristiques non psychologisantes mais de nature descriptive. Elle constitue une interprétation renouvelée de l'engagement radical, formulée par Doug McAdam (1986) et reprise jusqu’alors dans la littérature (Sommier, 2012), en termes de haut coût et de haut risque.