Résumé La violence conjugale est une violence transculturelle, immuable, et elle constitue une réalité sociale condamnable mais indéniable. Cette violence, le plus souvent présentée et perçue comme une violence masculine, est dans les faits plus complexe. Elle ne repose pas que sur la seule instrumentalisation et utilisation de la force, qui n’est qu’un moyen et non une fin en soi. La violence conjugale est davantage à voir comme une manifestation directe d’une lutte de pouvoir qui s’exerce au sein du foyer, afin d’accéder à l’exercice de ce que nous appelons la « souveraineté domestique ». Reproches, injures, et coups sont les manifestations les plus perceptibles et les plus identifiables dans l’espace urbain marseillais au xviii e siècle. Mais quelles sont les causes profondes des violences conjugales ? Ces violences n’appartiennent en rien à la sphère privée, mais à la sphère publique. Vivre en ville, c’est vivre avec ses « étranges voisins », au fait de tout ce qui se dit et de tout ce qui se voit dans l’immédiat territoire que forme le quartier, régi par ses codes, ses normes et ses lois. La violence conjugale est donc au croisement du public, du judiciaire et du sensible. Pour entrapercevoir les formes de ces violences, ont été consultées les archives judiciaires de la sénéchaussée de Marseille au siècle des Lumières. Celles-ci livrent quelques clés pour comprendre que, au-delà des coups et des injures, c’est la société marseillaise qui se laisse approcher dans sa complexité. La mise à mal de l’union matrimoniale résulte d’un enchevêtrement complexe de sensibilité, d’honneur et d’intérêts.