“…Cette conception amène la Cour à n'exiger qu'un suivi médical pour les détenus en proie à une crise suicidaire et à se focaliser de manière synchronique (et non diachronique, c'est-à-dire historique) sur la surveillance physique du geste suicidaire afin de s'assurer de sa non-matérialisation. À l'inverse, l'appel à une approche processuelle et historique en termes de réaction sociale impliquerait de prendre en considération entre autres l'influence de la prise en charge des détenus par les autorités pénitentiaires et de leurs possibles rébellion et protestation (Cliquennois et Chantraine, 2009), les effets de leur stigmatisation lors de leur interpellation policière et du déroulement du procès pénal (et de son retard), l'impact du nouveau management public (van Ginneken, Sutherland et Molleman, 2017), le poids de l'architecture carcérale et de la primauté de la punitivité et de la sécurité passive au sein de certains commissariats de police et d'établissements pénitentiaires (van Ginneken et al, 2017), ainsi que la différenciation des régimes de détention (Cliquennois, 2013). De même, le recours au paradigme de la réaction sociale pour la prévention du suicide supposerait de mettre l'accent sur l'augmentation de la sévérité pénale et de l'échelle des peines et leurs conséquences sur la dégradation des conditions de détention et sur la surpopulation carcérale qui sont associées à une occurrence suicidaire plus élevée comme le démontrent les études les plus récentes (Opitz-Welke, Bennefeld-Kersten, Konrad et Welke, 2013 ; Rabe, 2012).…”