Depuis plusieurs décennies, des entreprises appartenant à des secteurs d’activité qui présentent un danger pour la santé des êtres humains, voire pour la planète, ont su déployer des outils puissants de communication en vue d’instiller le doute sur la réalité dudit danger dans l’esprit du grand public, mais aussi du personnel politique. Pour y parvenir, des travaux scientifiques contradictoires sont mobilisés, largement diffusés dans les médias et sur les réseaux sociaux, et leurs conclusions ne permettant pas de trancher définitivement dans un sens ou dans un autre, l’absence de certitude avérée freine la mise en œuvre de toute action réglementaire de protection. Vendre le doute est une démarche désormais largement étudiée par des chercheurs en sociologie critique ou en histoire des sciences, mais encore peu, voire pas investiguée en systèmes d’information et de communication. Il s’agit pourtant d’une thématique majeure pour mieux comprendre l’usage des outils de communication par des entreprises qui cherchent ainsi à manipuler les masses. En référence à une méthodologie fondée sur des « traces », la note de recherche identifie les soubassements historiques de la propagation massive du doute, à partir des débats fondés sur le « faux équilibre ». L’enjeu est de systématiser le relativisme dans une perspective de triomphe de la post-vérité dont les avancées depuis deux décennies s’expliquent à la fois par le silence des élites scientifiques et par le dévoiement d’un journalisme parfois peu rigoureux.
For decades, companies operating in sectors that pose a threat to human health, or even to the planet, have been deploying powerful communication tools to instill doubt in the minds of the public, as well as politicians, as to the reality of the danger. To achieve this, contradictory scientific studies are used, and widely disseminated on media and social networks, and their conclusions do not allow a definitive decision to be made. The absence of proven certainty thus slows down the implementation of any regulatory protective action. Selling doubt is an approach now widely studied by researchers in critical sociology and the history of science, but still little or no investigation into information and communication systems. Yet it is a major theme in understanding the use of communication tools by companies seeking to manipulate the crowd. With reference to a methodology based on “traces,” the research note identifies the historical underpinnings of the massive spread of doubt, starting with debates based on “false balance” (or bothsidesism). The aim is to systematize relativism in the context of the triumph of post-truth, whose advances over the past two decades can be explained both by the silence of scientific elites and by the misuse of sometimes not very rigorous journalism.