Sophie Jacquot-Tommaso Vitale Résumé : Cet article part d'un premier constat, relatif à un usage très différencié des mobilisations juridiques par deux acteurs collectifs transnationaux, la Lobby Européen des Femmes (LEF) et le Forum Européen des Roms et des Gens du Voyage (FERV) qui pourtant appartiennent au même secteur européen de la lutte contre les discriminations. Il a pour objectif d'expliquer les raisons de cet usage différencié, et de discuter les dimensions d'analyse pertinentes. Il s'inscrit dans la problématique plus générale de la réponse des acteurs collectifs au changement de l'action publique. Les données empiriques ont été recueillies sur la base d'un principe de triangulation entre sources secondaires, sources documentaires et entretiens semi-directifs et elles ont été élaborées dans une optique qualitative de process-tracing. Dans une première partie nous explorons les différentes stratégies de promotion des droits du LEF et du FERV (le droit comme référence et le droit comme ressource), pour nous concentrer ensuite sur les principaux facteurs à l'origine de cette situation contrastée : le rôle des ressources organisationnelles des groupes et des cadres d'identité collective, mais également le rôle des effets itératifs liés aux interactions entre groupes et leur positionnement au sein du système européen de gouvernance. L'apport principal de ce travail comparatif est de montrer que face aux évolutions des modalités de gouvernance, les acteurs collectifs ont dû s'adapter de façon réflexive, pas seulement en regardant les marges de manoeuvre et les incitations existantes, mais avec une forte attention à leur propre composition, à la recherche de formules organisationnelles et stratégiques capables de prendre en compte les conflits internes.