RésuméLa procréation dans ie contexte du VIH/sida s'est-elle banalisée depuis que le taux de transmission verticale est réduit à moins de 2 % ? L'analyse des perceptions de couples montre que ce risque est toujours un objet d'inquiétude, d'autant plus qu'il semble multidimensionnel car souvent indissociable d'un risque horizontal de transmission au partenaire ; de plus, s'y est ajouté le risque iatrogène. Dans ce domaine, les médecins revendiquent un rôle d'information objective sans être directifs. Les femmes perçoivent clairement la distinction entre un jugement, qu'elles réfutent, et un avis, qu'elles acceptent ou parfois qu'elles recherchent. Certaines d'entre elles appliquent les propositions de leur médecin ; d'autres suivent partiellement l'avis et adaptent leur projet ; d'autres mettent en oeuvre des stratégies diverses pour contourner l'avis médical. Dans tous les cas, la charge de rationalisation et d'inquiétude associée à la procréation et les enjeux qui lui sont associés laissent penser qu'elle n'est pas banalisée.Mots clés: procréation, femmes, VIH, information, avis, itinéraires, relation soignant-soigné, prévention.
Le traitement médical de la procréation dans le contexte du VIH/sidaAu cours des quinze dernières années, le traitement médical de la procréation dans le contexte du VIH a changé de manière radicale dans les pays développés, principalement par la généralisa-tion des médicaments antirétroviraux qui ont permis d'une part, dans leur usage prophylactique, de réduire le risque de transmission verticale, et d'autre part, dans leur usage curatif, d'améliorer l'espérance et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. Découragée par les médecins jusqu'aux années 1995-1996, la grossesse devint alors possible dans certaines conditions et sous réserve d'être encadrée médicalement : elle reste une grossesse « à risque biologique », mais ce risque est devenu « résiduel » 3 . Une forme de consensus social est alors apparue autour du fait qu'un seuil avait été franchi, qui rendait le risque a priori tolérable.
Un risque banalisé ?Cependant, que l'on soit séropositive ou que son partenaire soit porteur du virus, l'expérience qui conduit du désir au projet, puis à travers les étapes de la conception, la grossesse, l'enfantement, jusqu'à la maternité, reste marquée par le « risque du VIH », fût-il réduit. Décliné sous ses formes horizontale (notamment pour les couples sérodifférents) puis verticale (transmission du VIH de la mère à l'enfant), ce risque justifie, d'un point de vue médical, un apport d'informations préventives auprès de la femme (ou du couple), une réflexion menée « en amont » de la grossesse destinée à la planifier pour qu'elle ait lieu dans les meilleures conditions immunobiologiques possibles, puis un suivi médical renforcé qui se poursuivra après la naissance pour la mère et son enfant. Aussi, ce parcours est-il établi en relation étroite avec le système de soin et sa « culture médi-cale » déclinée en représentations, attitudes, rôles, relations soignants-soignés, avec lesquel...