La transformation du sang placentaire en une précieuse source de cellules souches a donné naissance à partir des années 1990 à une industrie globale de conservation de sang de cordon ombilical faisant désormais concurrence à un large réseau de banques publiques de sang de cordon. Cet article explore les soubassements socioculturels liés à l’émergence de cette industrie et tente d’élucider les enjeux éthiques et politiques qu’elle pose. Si les banques publiques de sang de cordon sont porteuses des valeurs d’altruisme et de solidarité nationale traditionnellement liées au modèle redistributif d’échange de sang et d’organes né après la Seconde Guerre mondiale, les banques privées renvoient, elles, à des formes de solidarité bien différentes. C’est effectivement sous couvert de la solidarité familiale et de la responsabilité morale des mères de protéger leurs enfants qu’elles définissent la conservation privée comme une forme d’ « assurance biologique » contre les risques à la santé de l’enfant. En permettant aux mères d’investir leurs tissus corporels à la fois dans le futur incertain de leurs enfants et dans des thérapies cellulaires expérimentales, ces banques promeuvent un nouveau modèle de participation du/de la patient.e à la coconstitution de futures innovations thérapeutiques. Nous inscrivons ce modèle de participation dans les reconfigurations contemporaines du biopolitique que le sociologue britannique Nikolas Rose (2007) voit s’incarner dans l’émergence d’une nouvelle forme de biocitoyenneté. L’article critique finalement ces services personnalisés en soulignant qu’ils ont le potentiel d’opérer de nouvelles formes de coercition sur les mères, dans un contexte sociopolitique caractérisé par une responsabilisation accrue des individus au regard de la « bonne gestion » de leurs risques à la santé. Ces services sont aussi jugés problématiques sur le plan éthique, au vu de leur incohérence avec un principe de justice distributive défendant l’accès égal pour chaque citoyen.ne à des soins de santé de base.Since the 1990s, the transformation of cord blood into a precious source of stem cells has given rise to a global cord blood bank industry, which is now competing with a large network of public cord blood banks. This article explores the sociocultural context surrounding the emergence of this industry and aims at elucidating the ethical and political concerns that this industry raises. Whereas public cord blood banks are purveyors of values such as altruism and national solidarity traditionally linked to the redistributive model of human blood and organ donation that emerged after World War Two, private banks engage very different forms of solidarity. It is indeed under the guise of family solidarity and mothers’ moral responsibility to do their best to protect their children that they come to define private preservation as a form of “biological insurance” against potential risks to their children’s health. By allowing mothers to invest their bodily tissues simultaneously in their children’s uncertain future and...