Les modèles de soins palliatifs récents défendent une approche de la médecine holistique, interdisciplinaire et décloisonnée et encouragent à déployer une médecine de qualité, cohérente, impliquant la dimension subjective. La démarche palliative entre aujourd’hui dans une ère d’innovations cliniques qui ne va pas sans bouleverser les pratiques. Certaines situations peuvent se caractériser par un sentiment de nouveauté, et confrontent alors le soignant à un questionnement, à une adaptation, faisant parfois le lit de l’impuissance et du sentiment d’échec. Ces situations nécessitent donc pour les soignants, de repenser régulièrement leur rapport à la mort, d’adapter leurs schémas de pensées, leurs représentations. Nous pouvons toutefois nous poser la question des effets à long terme de la répétition de situations cliniques instables, nouvelles et peu élaborées. L’article se propose de réfléchir à l’hypothèse selon laquelle ce sont ces situations complexes « non ou peu encore advenues » qui génèrent le mal être soignant, dans un contexte où les dispositifs d’étayage habituels de soutien informel, de compagnonnage, de formation ou encore de débriefing ne paraissent pas toujours fonctionnels. Le sentiment de détresse ressenti par le soignant, les situations nouvelles et complexes, une confrontation régulière et répétée mais non élaborée à la mort, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne génèrent pas en soi l’expérience et la maturation de sa posture professionnelle. C’est ainsi qu’il faut être conscient que l’innovation clinique, avec tous les avantages et bénéfices en matière de santé publique que nous pouvons envisager en terme notamment de qualité de vie de pour les patients en soins palliatifs, doit malgré tout être soumise à précaution en tant que les stratégies d’ajustements des équipes soignantes sont parfois difficilement mises à l’épreuve et nécessitent un cadre un étayage de la part des institutions.