Cet article poursuit le débat concernant la notion de langue maternelle. Cette notion problématique est de plus en plus remise en question à cause de sa complexité sémantique et de la difficulté à la catégoriser en contexte plurilingue. La langue maternelle est pourtant un terme très utilisé dans l'éducation camerounaise pour désigner certaines langues enseignées. Mais ce terme est très peu interrogé. L'usage que l'on en fait varie d'une discipline à une autre : dans l'enseignement des Langues et Cultures Nationales (LCN), l'appellation est revendiquée, alors qu'elle est contournée par l'emploi d'un terme équivalent en classe de français. Ces usages opposés sont intimement liés à des enjeux propres à chacune des deux disciplines. En LCN, cette question n'est pas séparable des questions identitaires, la langue maternelle étant alors considérée comme une langue d'identification ethnique. En français pourtant, cette notion est contournée au profit de langue première (L1), plus neutre. Les conséquences de ces choix sont telles que l'emploi de langue maternelle en LCN conduit à l'irrédentisme et constitue un facteur de démotivation des apprenants. En français par contre, l'usage de L1 conduit à un enseignement quelque peu décontextualisé, cette langue n'étant pas L1 partout. C'est à ces usages, enjeux et conséquences que se consacre cet article, qui s'appuie sur une enquête ethnographique menée dans un établissement de la ville de Ngaoundéré. Les observables analysés ont été construits par observation de leçons, par entretiens et par analyse des programmes officiels.