Cet article retrace l’histoire d’une industrie musicale prolifique, mais culturellement négligée et marginalisée – celle de la library music ou musique d’illustration – dans les années 1960 et 1970. Elle interroge ses modes de production, de médiation et de circulation, examinant différents aspects et moments de créativité partagée ou relayée. Il s’agit de mettre en évidence un réseau de médiateurs, de supports, d’infrastructures, de compositeurs et de musiciens restés anonymes et invisibles. La librairie musicale pourrait être considérée comme une incarnation spécifique, mais historiquement dévalorisée, de la musique populaire – une forme que l’on pourrait qualifier de musique parallèle ou « paramusique ». Cet article se propose non seulement d’en restituer le mode de fonctionnement méconnu, mais aussi de repenser les interrelations unissant créativité, expérimentation et standardisation, originalité et emprunt, art et commerce – plus largement, il s’agit aussi de reconsidérer l’influence de ces catégories sur la formation des objets d’étude et canons de la musique populaire.