Éditorial> Les mucormycoses sont des infections fongiques invasives sévères liées à des champignons filamenteux de grand diamètre et à croissance rapide, les Mucorales. Ceux-ci sont présents de manière ubiquitaire dans le sol et dans de nombreux aliments et sont responsables d'infections communautaires ou liées aux soins, parfois micro-épidémiques. La physiopathologie de cette mycose systémique, se manifestant par une vascularite infectieuse nécrosante extensive, reste mal connue. Ainsi, bien que l'on connaisse l'importance de la défense immunitaire innée dans la prévention des mucormycoses et notamment des polynucléaires neutrophiles et des monocytes et macrophages alvéolaires, les mécanismes intimes d'interaction des Mucorales avec ces cellules restent en grande partie inconnus. De même, les conditions de péné-tration des Mucorales dans l'organisme, notamment au niveau des cellules épithéliales des sinus de la face (en particulier chez les sujets diabétiques) ou au niveau de l'épithélium bronchique (en particulier chez les patients neutropéniques) restent sans réponse aujourd'hui. Le tropisme vasculaire de cette maladie qui en fait la particulière sévérité est lié à l'interaction des Mucorales avec la cellule endothéliale par l'intermédiaire d'au moins un récepteur caractérisé pour Rhizopus oryzae comme GRP78. De manière intéressante, il a été récemment montré que l'augmentation de la glycémie et du fer libre régulaient ce récepteur ; le fer libre, ou dissocié de la transferrine, agissant de plus comme un facteur de croissance des Mucorales. De nombreux progrès sur la connaissance de la virulence de ces champignons proviendront de leur séquençage. Les mucormycoses surviennent le plus souvent chez des sujets immunodéprimés, principalement atteints d'hémo-pathies malignes, neutropéniques ou non, et alors souvent allogreffés de cellules souches périphériques ou chez des sujets diabétiques déséquilibrés avec ou sans acidocétose. Parfois, plusieurs facteurs de risque sont présents, ce qui représente par ailleurs un facteur pronostique péjoratif supplémentaire. Les mucormycoses surviennent enfin, dans environ un cas sur cinq, dans un contexte post-traumatique tellurique et alors souvent chez des sujets immunocompétents ou à l'occasion d'événements climatiques d'ampleur (citons les infections à Apophysomyces elegans après le Tsunami au Sri Lanka ou, plus récemment, des cas groupés de mucormycoses cutanées à Apophysomyces trapeziformis après la tornade survenue au Missouri en 2011). C'est le mérite de la présente monographie en langue française publiée dans médecine/sciences que de faire le point sur une mycose systémique émergente sur le plan international et de pronostic redoutable. J'ai ainsi souhaité rassembler des experts français de son épidémiologie, de son diagnostic au laboratoire, de ses caractéristiques cliniques et radiologiques et de son optimisation thérapeutique tant médicale que chirurgicale. L'incidence des mucormycoses augmente de manière significative dans la population générale ainsi que leur létal...