Cet article s’intéresse à la façon dont les organisations syndicales historiques font face à l’émergence, depuis le milieu des années 2010, de plateformes numériques de « mise en relation » qui s’appuient sur le recours massif à des travailleurs juridiquement indépendants mais encadrés à distance par des outils informatiques. À partir d’une enquête sur l’expérience de syndicalisation de travailleurs de plateformes de livraison de repas par la CGT, nous montrons comment l’intégration de ces travailleurs a constitué un accélérateur d’évolutions doctrinales au sein de la centrale, marqué par un retour de la figure du « travailleur » dans ses discours. Nous mettons ensuite en évidence les hésitations qui traversent la confédération dans l’organisation de ces livreurs, entre expérimentation et inscription dans les structures existantes. Enfin, nous montrons les difficultés rencontrées par la CGT, dans un secteur initialement dépourvu de droit syndical et de mécanismes de négociation, à voir reconnaître sa légitimité à représenter les travailleurs de plateforme.