Pendant des siècles, combinés avec le travail de migrants, la forêt et la rente forêt ont été les principaux facteurs de production du cacao. C’est le modèle universel du cacao, qui a fait de la Côte d’Ivoire le premier producteur mondial. Mais le niveau de déforestation est tel qu’une partie des planteurs doivent trouver des alternatives à la rente forêt, notamment l’engrais minéral. Cet intrant chimique est de fait un facteur d’amélioration des rendements et a priori des revenus. Cependant, si la consommation d’engrais chimique est poussée par le « système », composé des Transnational Corporations (TNC) du cacao, des coopératives, des agences de crédit, des organisations non gouvernementales internationales et des labels de cacao dit « durables », n’y a-t-il pas danger d’effets inverses : contribution à l’excès d’offre de cacao, baisse du cours mondial, endettement et appauvrissement des planteurs ? À partir de trois enquêtes auprès de 150 à 250 planteurs entre 2013 et 2017, d’une enquête auprès de 41 coopératives en 2017 et d’un suivi des prix du cacao et de l’engrais sur 30 ans, l’étude aborde le rôle du prix relatif cacao/engrais et du crédit sur la consommation d’engrais, et leur impact sur la chute du cours du cacao en 2016–2017. L’impact est certain, même si le processus d’expansion cacaoyère par le binôme migration-déforestation reste le facteur essentiel de la hausse de l’offre et de la chute du cours. Le discours selon lequel les gains de rendement vont créer un « cacao durable » et dissuader les planteurs de défricher les forêts reste un mythe. Les migrations continuent aux dépens des toutes dernières forêts classées du pays, à l’est vers Abengourou, à l’ouest vers Blolequin, Man et Touba. Là encore, en dépit de leur communication sur la durabilité, les certifications ont totalement échoué : le cacao de Côte d’Ivoire dépend encore beaucoup de la déforestation. Enfin, de l’autre côté du fleuve Cavally, la grande forêt dense du Libéria disparaît à son tour, sur la voie d’un nouveau boom du cacao. Même si les responsabilités sont partagées avec les politiques publiques, que reste-t-il de « durable » dans la certification et les actions de la majorité des TNC ? Le fossé entre leur communication virtuelle et la réalité n’a jamais été aussi grand.