Dans un contexte d'intégration économique, un cadre réglementaire distinctif en matière d'emploi constitue-t-il un frein au développement économique ? Les porte-parole du patronat affirment souvent publiquement que le cadre réglementaire québécois nuit à l'emploi et défavorise le Québec dans les décisions stratégiques des entreprises. En se fondant sur une comparaison des cadres réglementaires américain et québécois, cet article discute cette assertion à la lumière de la perception de décideurs oeuvrant au sein d'entreprises multinationales établies au Québec et aux États-Unis. Notre démarche révèle une perception beaucoup plus nuancée du cadre réglementaire québécois de la part des décideurs rencontrés, remet en cause certaines idées stéréotypées à cet égard et permet d'amorcer une réflexion théorique sur les liens à établir entre le cadre réglementaire applicable à l'emploi et les politiques de développement économique.Par cadre réglementaire, nous signifions l'ensemble de la législation sur l'emploi et le travail incluant celle applicable aux rapports collectifs. En d'autres termes, il s'agit des sources formelles de régulation du travail qui relèvent directement de l'État. Outre le cadre réglementaire au sens strict, notre recherche prend aussi en compte la régulation formelle associée aux rapports collectifs du travail, ceux-ci étant conditionnés par le droit. Quant aux décisions d'ordre stratégique, elles ont trait aux choix que font les entreprises relativement à l'investissement ou au développement des opérations, y compris ceux relatifs aux lieux et aux créneaux de production. L'effet de la réglementation du travail sur l'investissement et l'économie est largement débattu tant dans les instances politiques que dans les médias. La question est reprise ici à la fois sous un angle objectif, par un regard analytique posé sur les deux régimes juridiques concernés, et sous un angle plus subjectif, c'est-à-dire selon les perceptions de décideurs stratégiques dans la grande entreprise.Cet article poursuit deux objectifs. Il s'agit dans un premier temps de démontrer le caractère fondamentalement distinct du cadre réglementaire québécois relativement au cadre américain, en mettant en lumière les principes essentiels de chacun. Dans un deuxième temps, l'article entend illustrer comment les chefs d'entreprise mettent en perspective ce caractère distinct du cadre québécois et le prennent en compte dans leurs décisions stratégiques. Il ne s'agit donc pas de qualifier le cadre réglementaire québécois dans l'abstrait, mais plutôt d'en évaluer les possibilités et les limites sur le plan des stratégies d'entreprises et des politiques publiques dans un contexte d'intégration économique.En s'appuyant sur la littérature pertinente, la première section élabore l'objet de la recherche, dont la démarche est ensuite exposée. Une deuxième