[fre] Les années quatre-vingt présentent, pour les analyses macroéconomiques habituelles, des énigmes majeures, dont, aux premiers rangs, la persistance d'un chômage élevé en Europe et la désynchronisation des conjonctures américaine et européennes pendant la première moitié de la décennie. Des «faits» nouveaux, qui distinguent la période considérée sont mal pris en compte par les modèles usuels. Cet article propose une théorie alternative des développements conjoncturels de cette période, qui s'appuie sur une reconstruction de l'analyse de l'économie ouverte. Les évolutions des taux d'intérêt réels et des taux de change réels y jouent un rôle déterminant, en affectant les comportement d'offre et de fixation des marges d'entreprises opérant dans un environnement imparfaitement concurrentiel. L'intuition qui fonde cette analyse est que les liens commerciaux qui unissent les économies américaine et européennes sont trop ténus pour engendrer le synchronisme conjoncturel généralement supposé, mais que les interactions qui transitent par les marchés financiers sont, au contraire, très fortes. La hausse des taux d'intérêt réels et l'appréciation réelle du dollar, en la première moitié des années quatre-vingt, ont incité les entreprises européennes à augmenter leurs marges et à tenter de contenir leurs coûts de production, en particulier les salaires. Or ce qui advient aux marges des entreprises importe tout autant que ce qui en est des salaires : une augmentation «exogène» des unes ou des autres est porteuse de «stagflation», en ce qu'elle détériore les termes de l'arbitrage politique entre inflation et chômage. Il peut s'ensuivre une transmission négative des «chocs» macroéconomiques qu'ont engendrés les politiques pratiquées aux Etats- Unis. Les conséquences ont été accentuées par la dégradation des conditions d'exercice des politiques budgétaires et monétaires en Europe, qui ont contraint les gouvernements à adopter des orientations pro-cycliques. La hausse persistante des taux d'intérêt réels a, en outre, été à l'origine d'importants effets d'hystérésis, qui ont installé la récession européenne dans la durée et freiné la reprise, au moment où la dépréciation réelle de la monnaie américaine et une baisse — modérée, il est vrai — des taux d'intérêt réels favorisaient un nouvel essor européen. L'ajustement lent à un régime de taux d'intérêt réels élevés et le caractère pro-cyclique des politiques européennes qu'encourage un tel régime expliquent à la fois la forte persistance de la récession et la progressivité de la reprise. Cette théorie nouvelle nous avait conduits à prédire, dès 1987, le retour de la croissance en Europe. Elle nous incite aujourd'hui à prévoir qu'elle sera durable, sauf nouvelle hausse des taux d'intérêt, même dans l'éventualité d'une récession aux Etats-Unis. [eng] Seen through the lenses of traditional macroeconomic analyses, the 1980s are highly puzzling. It is especially difficult to understand the persistence of high unemployment in Europe and the de-synchronisation of business cycles in the ...