Dans une lettre adressée au théologien Thomas Burnet au début de la décennie 1680, Newton avance une interprétation de la Genèse biblique emblématique du genre des « théories de la Terre ». Partant du postulat que la narration de Moïse est un récit « accommodé », adapté au vulgaire, il se persuade que son contenu « philosophique » peut être restauré à l’aune des connaissances modernes. Loin d’adopter un paradigme strictement mécaniste, Newton propose alors une exégèse chymique de la Création. Le Système du monde, le Soleil, la Terre et ses reliefs se seraient formés au gré d’une succession de séparations et de coagulations à partir d’un « Chaos commun ». Les mers et les montagnes seraient issues de la coagulation irrégulière de la parcelle de Chaos assignée à notre planète à la manière dont coagule une solution de salpêtre. Le texte est émaillé d’analogies chymiques, et chaque opération accomplie dans le temps de la Création trouve sa contrepartie dans le laboratoire. Toutes les transformations du Chaos primordial sont effectuées par une force formatrice qui joue à grande échelle le rôle que les alchimistes attribuaient aux ferments. Cette force est la gravitation, que la lettre de Newton associe à l’esprit de Dieu. La reconstitution de Newton présente sous ce rapport des traits communs avec les traités chrysopoétiques qui développent l’analogie entre le Magistère et la Genèse. Le philosophe ne s’était pas contenté de prendre connaissance de ce courant d’interprétation chymique ou alchimique de la Genèse. Il avait composé lui-même des commentaires autour de ces lectures dans une période proche de la lettre à Burnet.