Cet article traite de l’activité réflexive de formés dans un dispositif de formation conçu pour les agents de terrain de l’industrie nucléaire. Ce dispositif, nommé scénario-enquête, est le produit d’une démarche de recherche orientée par la conception, qui vise à aider les stagiaires à s’approprier les caractéristiques spatiales et fonctionnelles d’un bâtiment industriel complexe, dont la connaissance est cruciale pour leur futur métier d’agent de terrain. Ce dispositif peut être qualifié d’hybride au sens où il combine différents espaces et modalités pédagogiques (un environnement virtuel dans lequel naviguent les stagiaires, un chantier-école, une salle de formation) et objets techniques (un modèle numérique 3D complet du bâtiment, des maquettes de matériel à échelle 1, des vannes, de la documentation technique opérationnelle utilisés en situation réelle). L’analyse de l’activité réflexive des formés s’appuie sur l’analyse sémiologique développée dans le cadre du programme cours d’action, et dans ses rapports dialogiques avec la sémiotique de Peirce. Ainsi, l’activité réflexive qui se manifeste lors de l’utilisation du dispositif scénario-enquête est modélisée à l’aide de trois catégories d’inférences : abduction, déduction et induction. Les résultats suggèrent (i) un rôle important des raisonnements à dominante abductive dans la construction, renforcement, invalidation et mise en relation des connaissances, et (ii) un rôle déterminant des analogies dans la mise en relation des connaissances acquises et de nouvelles connaissances par abduction. Cet article offre l’occasion de questionner les situations de formation qui privilégient principalement les inductions et les déductions. Il serait préférable de proposer des outils pédagogiques qui encouragent les raisonnements d’abduction, comme des « laboratoires de curiosités », espaces qui incitent à la découverte et permettent d’aller au-delà des connaissances attendues, favorisant ainsi l’alternance entre différents registres sémiotiques.