La structure des interactions entre personnes est un facteur clé pour comprendre comment une maladie infectieuse se propage au sein d'une population. La modélisa-tion de cette propagation [1] (➜) permet ainsi d'évaluer les risques épidémiques. Parmi les interactions entre personnes, les contacts face-à-face, en particulier, déterminent les chemins de propagation des maladies respiratoires telles que la grippe. Depuis quelques années, grâce à de récents progrès techniques, il est possible de mesurer in situ ces interactions. Par exemple, l'infrastructure mise au point par la collaboration SocioPatterns 1 utilise des petits capteurs pouvant se détecter mutuellement ; ces capteurs, portés par les personnes participant aux mesures, sont réglés de manière à n'enregistrer que les contacts proches et face-à-face. On obtient ainsi un enregistrement direct et objectif des contacts au sein du contexte considéré (école, lycée, hôpital, immeuble de bureaux, conférence, etc. [2,3]). La simulation de la propagation d'épidémies à partir de ces données permet ensuite d'améliorer la pré-diction du risque épidémique dans ces populations.
Simuler des épidémiesLes contacts entre personnes ainsi mesurés sont repré-sentés sous la forme d'un réseau temporel qui rend compte de l'ordre chronologique des contacts [4] : à chaque participant, on associe un noeud du réseau, et Vignette (Photo © Inserm-Frédérique Koulikoff). 1 Collaboration entre chercheurs et concepteurs. http://www.sociopatterns.org à chaque contact enregistré entre deux personnes, on associe un lien entre les deux noeuds qui représentent ces personnes, lien qui n'existe qu'à l'instant de ce contact. On obtient donc un réseau de contacts qui évolue au cours du temps, et qu'on peut utiliser pour simuler la propagation d'une épidémie dans la population concernée. On considère par simplicité des modèles schématiques de maladies infectieuses, tels que le modèle SIR [5]. Dans ce modèle, les individus sains (S) deviennent infectieux (I) avec une certaine probabilité β à chaque contact avec un individu infectieux. Les individus infectieux (I) quant à eux passent à l'état guéri (R, recovered en anglais) avec une certaine probabilité μ à chaque instant, ces deux paramètres dépendant de la maladie considérée. L'épidémie se propage de façon stochastique au gré des contacts. La simulation s'arrête quand l'épidémie est terminée, c'est-à-dire quand il ne reste plus d'individus infectieux dans le réseau. On mesure alors la taille de l'épidémie, correspondant au nombre de personnes ayant été infectées. La simulation est répétée un grand nombre de fois, afin d'obtenir la statistique des tailles d'épidémies et de séparer les cas pour lesquels le risque épidémique est grand (probabilité non négligeable d'avoir une épidémie de grande taille) de ceux où le risque épidémique est faible.
Le problème des données manquantesLes données décrivant les contacts entre personnes sont cruciales pour de telles simulations. Or ces données ne concernent jamais l'intégralité de la population étudiée. En effe...