Durant le long après-guerre, le Canada accroît significativement sa participation à l’aide inter- nationale par le biais du Plan Colombo, qui favorise la venue d’étudiants étrangers dans les universités occidentales. Soumis à des règles strictes qui leur enlèvent beaucoup de liberté, ces étudiants sont instrumentalisés à la fois comme futurs agents de développement de leur pays et comme faire-valoir du Canada sur la scène internationale. En nous penchant sur le cas des étudiants vietnamiens à l’Université de Montréal au cours des années 1950, nous démontrons que leur venue a actualisé et parfois durci des préjugés orientalistes dans un contexte de guerre froide où l’éducation des pays et des étudiants du Sud global apparaissait cruciale dans la lutte contre le communisme. Partie prenante de cette entreprise, les universités ont facilité la mise en pratique des objectifs du Plan Colombo en misant sur les rapports de pouvoir, volontiers pater- nalistes, qui s’imposaient alors sur les campus. Or, loin d’être passifs, ces étudiants ont rusé avec les autorités et déployé des espaces de solidarité qui, malgré les risques encourus pour leurs études, leur ont permis de contester la rigidité des cadres administratifs et idéologiques qu’ils subissaient. Ils ont ainsi préfiguré à leur façon le mouvement de contestation de la jeunesse et le mouvement de décolonisation des années 1960.