Les limites du traitement guidé par les données génomiquesL'établissement du profil génétique des tumeurs est aujourd'hui à portée de main, grâce aux rapides progrès du séquençage de nouvelle génération (NGS, new generation sequencing) et à son entrée progressive dans la pratique clinique [1]. Dans de nombreux centres, on commence à analyser l'ADN de tumeurs primaires ou de métastases en séquençant un panel de 50 à 250 gènes, ou, plus rarement, en lisant l'ensemble de l'exome. Les procédés de purification et de lecture sont bien au point, les coûts (deux à trois milliers d'euros) et les délais (moins d'un mois) sont supportables. De plus, les techniques d'analyse informatique des résultats ont beaucoup progressé. L'objectif de ces tests, générale-ment pratiqués pour des cancers avancés métastatiques et ne répondant plus aux traitements, est d'identifier des altérations sur lesquelles on pourra agir (actionable alterations) grâce à des thérapies spécifiques. Selon les équipes et les technologies utilisées (et selon aussi la définition plus ou moins large de ce que sont ces « alté-rations ciblables »), on en trouve effectivement chez la majorité des malades, et quelques résultats cliniques spectaculaires ont été rapportés. Mais il faut reconnaître que, pour le moment, cette approche séduisante n'a pas encore fait la preuve de son utilité clinique, à savoir la démonstration d'une amélio-ration statistiquement significative de l'évolution des patients. À cet égard, la récente publication des résultats de l'essai français SAFIR01 [2] a fait l'effet d'une douche froide [1]. Dans cet essai clinique multicentrique, qui avait inclus plus de 400 patientes atteintes de cancer du sein métastatique, une douzaine de gènes ont pu être analysés chez 300 d'entre elles, une altération pathogène a été trouvée chez près de 200, mais, au final, une thérapie personnalisée n'a pu être proposée que pour 55 malades (et effectivement réalisée chez 43). Cette importante déperdition est due principalement au fait que, pour beaucoup des altérations repérées, les traitements n'existent pas ou ne sont pas accessibles (par exemple, ils sont en cours d'essai clinique mais pour une autre indication). Et finalement, seules quatre patientes (sur les 43 traitées) ont présenté une réponse au traitement utilisé… Cet essai a néanmoins eu le mérite de démontrer la faisabilité pratique d'une telle approche, et de fournir des chiffres qui en quantifient l'efficacité -même si celle-ci se révèle nettement plus faible qu'espéré. Bien sûr, les techniques employées (hybridation génomique comparative et séquençage Sanger) datent un peu 1 , et on peut penser qu'une analyse portant sur un grand nombre de gènes grâce au NGS aurait un rendement plus élevé. C'est d'ailleurs l'objectif de l'essai SAFIR02 qui démarre et inclura cette fois le séquençage NGS d'un large panel de gènes. Une autre étude, menée à l'Université de Californie, vient de faire l'objet d'une publication [3] dont les résultats sont un peu plus positifs -mais l'effectif est bien moindre et le recu...