Créer un parc national des Calanques : préserver, partager ou confisquer un patrimoine socio-naturel  ?

Abstract

Cet article présente une analyse du processus de création du Parc national des Calanques (PnCal). La lecture proposée est celle de la patrimonialisation de la nature et de la culture. Il s’agit de saisir les discours et argumentaires relatifs au processus de patrimonialisation, porteurs de cosmogonies multiples et sous-tendus par des enjeux sociaux peu ou prou antagonistes. La proximité spatiale et symbolique entre le territoire du PnCal et la ville de Marseille est au cœur de l’analyse, mettant à l’épreuve du terrain les dualismes classiques opposant urbain/rural, nature/culture, sauvage/domestique. L’analyse des débats observés et des discours recueillis met en exergue les processus d’exclusion et d’inclusion tentant de circonscrire le collectif d’humains et de non humains participant de ce patrimoine socio-naturel en construction, en premier lieu. Dans un second temps, l’analyse explore la pluralité potentiellement conflictuelle des savoirs mobilisés. En conclusion, des pistes de conciliation pragmatiques entre anthropocentrisme et biocentrisme sont explorées.

Conclusions

“…L'instauration de réglementations sur les espaces naturels (comme l'interdiction d'accès aux massifs lors des périodes de risque de départ d'incendie, ou des zones de non-pêche dans les aires marines protégées) constitue des mesures pour permettre aux divers usages d'avoir lieu et pour tenir des objectifs de conservation. Mais les conflits d'usage restent potentiellement nombreux et importants, comme en atteste la difficile émergence du parc national des Calanques (Deldrève, Deboudt, 2012 ;Claeys, 2014). L'observation et l'étude scientifique des fréquentations récréatives, d'ores et déjà commencées par les gestionnaires, demeurent une priorité scientifique, autant pour comprendre l'incidence de ces fréquentations sur les habitats, que pour repérer des pratiques à risque vis-à-vis de lieux concernés par les pollutions héritées, et ainsi envisager des mesures de gestion et des aménagements adéquats facilitant la gestion du public.…”

“…En 1999 est créé le GIP des Calanques qui conduit à la création du parc national des Calanques en 2012. Si la genèse de ce parc a été émaillée de beaucoup de débats et de projets successifs sur des périmètres différents (Deldrève, Deboudt, 2012 ;Claeys, 2014), le décret de création a pu aboutir et ce premier parc national péri-urbain composé d'une zone terrestre et d'une zone marine constitue une opportunité pour tenir conjointement des objectifs de préservation de la nature et d'accessibilité des usagers aux ressources naturelles sur cette partie du littoral.…”

Quand les Calanques deviennent Parc National : disputes autour de la définition et de la répartition des efforts environnementaux et urbains induits

“…Donc c'est vrai qu'on peut dificilement interdire aux gens de venir voir les Calanques, mais il y a de plus en plus de monde. » Ce propos égalitariste peut aussi procéder d'un déni stratégique par crainte d'un renforcement de la réglementation (Claeys, 2014). Qu'il soit « sincère » ou stratégique, l'argumentaire de ces usagers relève néanmoins des principes de démocratisation de l'accès à la nature et de justice environnementale, exprimant unanimement la crainte d'un renforcement de la réglementation induit par la création du PnCal.…”