Cet article part d’un constat paradoxal : alors que les émotions sont au cœur des œuvres et des pratiques culturelles, jusqu’à récemment, peu de recherches, en France, se sont intéressées aux liens multiples et réciproques qu’entretiennent culture et émotions. La première partie du texte revient sur les raisons de ce paradoxe. Au-delà de la division du travail scientifique, elle met en avant le rôle central du caractère polysémique, flou et ambigu de la notion d’émotions – ce qui a rendu son appropriation et son usage empirique difficiles, notamment dans un domaine, la sociologie de l’art ou de la culture, où le rationalisme scientifique a longtemps dominé. La deuxième partie souligne de façon réciproque la mise à distance des pratiques et œuvres culturelles par la sociologie des émotions, en raison d’un penchant pour les approches théoriques et pour les analyses empiriques interactionnistes. Enfin, la dernière partie montre que si les émotions ont peu été prises en compte dans l’explication de l’amour de l’art, elles sont apparues depuis les marges, dans les travaux des Cultural Studies féministes et de leurs importateurs français sur les subcultures féminines.