RésumésDestiné à accélérer un processus de métissage prétendument à l’œuvre depuis la Conquête, l’indigénisme mexicain s’est donné pour buts successifs de favoriser la « fusion raciale » au sein de la population et de planifier l’« acculturation » des minorités indigènes. Mises en place durant les années 1930, 1940 et 1950, les premières politiques indigénistes, qu’elles fussent menées par le Département autonome des affaires indigènes, par le ministère de l’Éducation publique ou par l’Institut national indigéniste, visaient largement à « incorporer l’Indien à la civilisation ». Fruit d’une vision à la fois occidentale, progressiste et paternaliste, elles transformèrent, ce faisant, la catégorie raciale « indigène » en une catégorie politique légitime, axée sur un référentiel interaméricain. Plusieurs jeunes Mexicains ayant bénéficié des premiers « internats indigènes », lesquels se généralisèrent dans les années 1930, purent dès lors se considérer comme « indiens » ou « aborigènes », renverser le stigmate pesant sur eux et utiliser stratégiquement l’altérité comme une ressource politique. Cette contribution retrace ainsi l’histoire de cette génération qui mobilisa, durant les années 1940 et 1950, ses « frères de race » dans une série d’organisations dont la matrice fut la Confédération nationale des jeunes indigènes. Ces organisations structurèrent un mouvement national indien d’apparence massive, comptant plusieurs dizaines de milliers d’adhérents, qui chercha à la fois à exprimer publiquement des demandes socio-économiques, éducatives et sanitaires et à s’intégrer au Parti révolutionnaire institutionnel, comme un « secteur » officiel, défini de manière raciale.