Parmi les grands menhirs érigés en sanctuaire de plein air au V millénaire av. J.-C. sur l’actuelle presqu’île de Locmariaquer dans le golfe du Morbihan, la stèle aux bovidés se distingue par l’unicité de ses figures de bêtes à cornes dans l’art gravé du Néolithique armoricain •d’où le nom que nous lui prêtons –, et par son côté puzzle mégalithique. On remarque en effet dans le décor de fait initialement plus rupestre que pariétal de ce monolithe tronçonné, et réemployé en différentes tables dolméniques, un couple de silhouettes animales exceptionnel à plus d’un titre. Si la transformation du fameux «quadrupède» de la Table-des-Marchand en animal cornu, après adjonction des cornes tronquées de Gavrinis, est à l’origine de la connexion théorique de deux fragments de la stèle toujours incomplète, c’est le bien curieux cornage de l’autre bovidé figuré en entier sur cette même dalle qui a retenu notre attention. L’étude tracéologique de ces cornes impressionnantes remet effectivement en question le caractère sexuel ou zoomorphe habituellement entendu en dévoilant l’astucieuse association d’une paire de crosses adossées dans le prolongement des cornes dressées. Cette liaison des signes, à la fois courante dans la symbolique néolithique et inhabituelle sous cette forme entièrement figurative et jointive, souligne une fois décryptée notre vision généralement trop simpliste des gravures mégalithiques et l’obsolescence de la plupart des relevés qui demanderaient à être réactualisés dans une optique interprétative plus technique qu’artistique.