« Oui, il s'agit bien d'une tumeur. Oui, cette tumeur est bien une tumeur primitive du cerveau. Oui, comme nous pouvions le redouter sur les images initiales, et comme nous en avions parlé, cette tumeur correspond à une tumeur maligne, à un cancer du cerveau ». Langage de vérité, paroles ciselées qui tentent d'amener à la réalité tout en s'apprêtant à accueillir les réactions les plus extrêmes. Le redoutable est bien là, et il trône au coeur même de l'organe noble qui définit aujourd'hui notre humanité. Mais ce cancer du cerveau est très loin de s'apparenter aux autres cancers d'organes, il est « le » cancer, celui qui effraie et qui trouble le plus. Nous voici à la conjonction de trois univers anxiogènes : le cancer du cerveau nous renvoie tous à la mort, à la folie et à la démence dégénérative. Trois dimensions dans lesquelles l'homme sombre à l'annonce du diagnostic : la mort anticipée dans l'imagerie sociale du cancer, la perte du partage avec autrui dans la folie, l'absence de commande de son propre corps et d'orientation dans le temps et l'espace avec la démence… Que reste-t-il alors ?Où est le patient ?C'est en effet la question la plus inquiétante. Les médecins et les équipes soignantes savent qu'ils sont confrontés à l'absence potentielle psychologique et morale du patient. Cet effacement progressif de la subjectivité qui transforme le dialogue habituel en une sourde perplexité du malade qui s'étonne, mais se résigne devant sa perte de familiarité avec lui-même… On pense aux patients déments qui se heurtent à leur propre incapacité à répondre à la question simple « où sommes-nous ? » et qui se remémorent leur lieu de vie privilégié, « mais à la maison… », tout en constatant intérieu-rement qu'il ne peut pas s'agir de cela, mais qu'ils ne disposent d'aucune autre réponse. On pense à Jacques Brel « j'ai jamais tué de chat. Ou c'était il y a longtemps… Ou y sentaient pas bon »… Hélas, ici, pas d'excuse, les neurones ont foutu le camp…
Des atteintes cérébrales secondaires en augmentationPourtant, les tumeurs cérébrales primitives ne représentent que 2 % des maladies cancéreuses, mais les métastases céré-brales sont les tumeurs malignes les plus fréquentes. Et leur incidence augmente du fait du vieillissement de la population, et surtout, paradoxalement, du fait de la survie prolongée des patients atteints de cancer.Face à cette augmentation, les services de neuro-oncologie se développent et mettent au point des approches spécialisées. Elles concernent plusieurs domaines comme l'annonce, les traitements, la qualité de vie, l'évaluation neuropsychologique et son croisement avec les symptômes psychiatriques confondants. La neuro-oncologie pourrait aussi être pionnière dans la compréhension des réactions des proches face à la démentification précoce, l'impression de perte d'humanité et de la capacité de penser de celui qu'ils aimaient.Beaucoup de sollicitations intimes pour ces médecins, infirmiers, assistants sociaux, psychologues qui aujourd'hui sont conscients des défenses qui auraient pu les conduire jadis ...