La crise pandémique qui s’est abattue sur le monde depuis février 2020 s’est traduite, dans les pays de la péninsule Arabique comme ailleurs, en une grande diversité de productions culturelles médiatisés : chansons, poèmes, plaisanteries, sketches vidéos comiques, mèmes internet, programmes de divertissement diffusés sur les réseaux sociaux ou sur les chaines de télévision officielles et satellitaires, s’inscrivant dans la « culture populaire digitale » de la région. Certaines reflètent les politiques des États face à l’urgence, relayées par des artistes et des « influenceurs » au service spontané ou commandé des autorités. D’autres laissaient observer des réactions individuelles à la crise, exprimant (dans les limites tolérables par une surveillance pointilleuse des discours diffusés) la peur, l’ennui, ou une attitude sarcastique sur les comportements de sociétés obligées de bouleverser leurs habitudes. Que disent ces vidéos, ces mèmes ou chansons de propre aux sociétés de la péninsule Arabique ? Si une partie reproduit dans une déclinaison locale des thématiques planétaires, d'autres formes sont davantage régionales : les « chansons‑corona », sur un ton martial, satirique ou pathétique ; les plaisanteries sur la présence des hommes dans l’espace domestique privé homosocial, ou encore l’encodage du rapport local‑étranger qu’on y retrouve, que l’étranger soit « de l’intérieur », comme le travailleur immigré, qu’il soit le voisin régional allié ou ennemi, ou enfin celui par qui le mal arrive ou qu’il frappe, dans un ailleurs lointain. Cet essai analyse comment ces productions traduisent ou négocient leur décodage des politiques étatiques et des défis posés par la présence de ces « citoyens impossibles » (Neha Vora) dans les monarchies de la région ayant adopté un modèle de gestion des migrations transnationales anti-intégrateur devant une menace sanitaire plaçant l’ensemble de la population face à un même péril.