Dans les basses terres amazoniennes, le désir sexuel n'est pas l'objet d'une censure, comme c'est le cas en Occident, mais est au contraire constamment évoqué, souvent exhibé. C'est en partant de cette prémisse que Luisa Elvira Belaunde interroge le rôle de la sexualité dans la constitution et l'expression de l'image de soi chez les Amérindiens. La thèse défendue est la suivante : si, dans cette région du monde, la sexualité est en effet omniprésente, elle reste néanmoins l'objet de nombreuses formes de « restrictions » plus ou moins ritualisées-mais non réductibles à une tentative de censure-à travers lesquelles s'opère, précisément, la « fabrication des personnes » (p. 15). Indirectement, c'est donc davantage sur les divers épisodes rituels contribuant, dans les sociétés amazoniennes, à la manufacture des corps, que porte cet ouvrage. 2 Cette thématique est d'abord présentée de manière synthétique dans une courte préface et une longue introduction, avant d'être déployée dans les cinq chapitres qui composent le corps de l'ouvrage. Un des mérites du texte est de proposer une précieuse synthèse de la littérature spécialisée, depuis les recherches pionnières de W. Crocker (2009) sur l'intimité des Canela, jusqu'aux travaux les plus récents abordant les multiples formes de sexualités amérindiennes (Dziubinska 2017). Nombre d'éléments ethnographiques sont également tirés de longues enquêtes personnelles chez les Airo-Pai du nord de l'Amazonie péruvienne, ainsi qu'au sein d'autres ethnies chez qui