Cet article analyse le rôle joué par les entretiens littéraires dans l’édification et la mise en circulation des images d’auteur. Le cas choisi est celui de l’écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, traduit en France chez Gallimard, et interlocuteur régulier des journalistes français. À partir d’une typologie distinguant entretiens d’écrivains et interviews littéraires, l’analyse met en relation les modes de textualisation et d’éditorialisation de la parole écrite avec la réactivation d’une rivalité latente entre l’écrivain et le journaliste. Dix-neuf articles sont ici analysés, qui montrent à quel point le jeu de forces entre interviewer et interviewé exerce une incidence sur la conception et même l’évolution de la création littéraire, tendue chez Pamuk entre engagement et idéal d’autonomie. À la suite d’un entretien publié en 2005 dans un journal suisse, où il évoque le sort connu par les Arméniens et les Kurdes en Turquie, Pamuk se voit menacé de mort dans son pays ; cet événement médiatique lui donne une notoriété paradoxale, et n’est pas sans lien avec l’attribution à son œuvre, en 2006, du prix Nobel de littérature. Différents critères d’analyse sont proposés pour interpréter le fonctionnement médiatique de l’entretien avec un écrivain : ils concernent notamment les modalités de citation, l’alternance énonciative, le rubriquage, la mise en récit et les jeux typographiques.