> Les fluctuations thermiques à l'échelle moléculaire génèrent des fluctuations aléatoires d'expression des gènes, qui, lorsqu'elles sont associées à des circuits de différenciation, donnent lieu à une diversification phénotypique à l'échelle de populations de cellules. Dans cette synthèse, nous détaillerons les mécanismes moléculaires à l'origine de cette diversification et illustrerons leurs conséquences dans différents organismes. Chez les bactéries, la diversification phénotypique aléatoire permet d'anticiper des changements de l'environnement, autrement imprévisibles, en particulier d'optimiser les transitions métaboliques et la réponse au stress, induisant par exemple une forme transitoire de résistance aux traitements antibiotiques. Dans les organismes pluricellulaires, des mécanismes similaires permettent la maintenance des tissus sains, tels que les intestins, l'épiderme ou la rétine, mais semblent également jouer un rôle dans l'établissement et la maintenance de l'hétérogénéité tumorale. < indique que la variance d'un processus, répété indépendamment N fois, est de l'ordre N, si bien que l'amplitude des fluctuations (repré-sentée par l'écart-type) rapportée à la moyenne diminue comme la racine carré de N, ce qui donne, par exemple, une fluctuation de 1 % lorsque 10 000 molécules sont en jeu. Force est de constater que de nombreux objets biologiques se comptent en petit nombre par cellule, à commencer par les gènes qui sont généralement présents en une seule copie et transcrits par dizaines chez les bactéries, et par centaines chez les eucaryotes. Ainsi, la loi statistique énoncée ci-dessus, donne lieu à une variabilité relative de 30 % pour N = 10 transcrits. Comme nous le verrons, bien que ce modèle soit extrêmement simplifié, le résultat correspond bien à la variabilité du niveau d'expression génétique qui est mesuré en général. Cette variabilité se maintient-elle au niveau de l'expression des protéines qui sont, elles, exprimées par milliers ? Peut-elle avoir des conséquences physiologiques à l'échelle de la cellule, des tissus, voire des organismes entiers ? Ces questions ont été abordées expérimentalement à l'échelle de la cellule unique par des mesures quantitatives essentiellement basées sur la microscopie de fluorescence et le traitement d'image automatisé. Nous examinerons comment les fluctuations thermiques, associées aux différents processus moléculaires, génèrent des fluctuations aléatoires, ou bruit, dans l'expression génétique. Nous verrons également comment ce bruit se transmet à travers les réactions intracellulaires. Lorsqu'il est associé à des architectures génétiques programmant des états cellulaires multiples, ce bruit génère de la diversité phénotypique dans les populations de cellules. Cela peut, d'une part, provoquer une résistance aux conditions adverses, en particulier aux traitements, et, d'autre part, conduire à l'établissement de proportions contrôlées entre plusieurs types cellulaires. Nous illustrerons ces propriétés dans le cas des microbes, puis dans le cadre d'organisme...