Cadre de la recherche: Dans
les services d’hospitalisation pédopsychiatrique, les corps des adolescents sont
soudain extraits de la sphère publique où ils doivent normalement se trouver. Le
collège, le lycée, les rues entre le domicile et l’école ainsi que les lieux de
rassemblements avec les pairs sont désertés par ces jeunes hospitalisés en
raison de troubles psychiques. Ces derniers sont soit liés à des pathologies
somatiques sous-jacentes, soit causés par une maladie mentale. Le retrait
physique des jeunes, soumis à des règles strictes imposées par l’hôpital,
notamment la réclusion et l’impossibilité de sortir en dehors de pauses
encadrées par le personnel, pose de nombreuses questions tant aux patients qu’à
leur famille.
Objectifs: Cette recherche
a pour objectif de répondre à plusieurs de ces questions : comment accepter de
mettre ce corps au repos, le soustraire au regard des autres ? Comment le
remettre en route après l’absence, retrouver des repères, le laisser déambuler à
nouveau au gré de l’espace public et du contact avec les corps de celles et ceux
qui y circulent sans en être sortis ? L’enquête interroge la place du corps dans
l’apprentissage de l’individualité et de la construction de la différence pour
les adolescents hospitalisés. L’idée est que le séjour à l’hôpital peut être
perçu comme un rite de passage afin que les jeunes réintègrent le monde public
avec une nouvelle image de soi.
Méthodologie: Grâce au
travail de terrain effectué pendant deux années scolaires, la parole est donnée
aux adolescents, à leurs parents et aussi au personnel. L’enquête s’est faîte
par une plongée dans le quotidien hospitalier. L’observation ethnographique et
les entretiens ont été utilisés par l’auteure.
Résultats: Il a été
possible de mesurer une partie de ce qui se joue entre le travail sur le corps
et l’esprit, entre le privé et le public, le social et le politique dans un lieu
d’accueil dédié aux adolescents en souffrance.
Conclusions: Un double
mouvement s’opère dans l’étude du retrait des corps adolescents : celui,
d’abord, d’une mise en invisibilité. Après un processus plus ou moins long de
dialogues entre les professionnels, les adolescents et les familles, une
socialisation des corps et des esprits permet une nouvelle visibilité de ces
jeunes corps remis aux normes de la société. Les relations qui se tissent
donnent à voir la manière dont les adolescents sont placés au centre de cette
dynamique, les présentant comme des sujets pensants et agissants.
Contribution : Cette étude
contribue à la réflexion sur la situation adolescente, notamment en reposant la
question des normes physiques et psychiques qui sont tributaires des perceptions
professionnelles et familiales. Celles-ci sont aussi constamment retravaillées
par les adolescents même lorsqu'ils sont en souffrance et sous contrainte.