De la ville pionnière à la cité Les nouveaux paysages des villes pétrolières de la plaine de l'Ob From frontier town to modern city: the new landscapes of oil and gas towns in the Ob river plain Yvette Vaguet En attendant l'économie décarbonée, les hydrocarbures continuent de structurer la géographie et la géopolitique du monde. Pour autant, parfois à la limite de l'oecoumène, les lieux d'extraction et les modes de vie des personnes s'activant à tirer ces précieux produits des sous-sols retiennent somme toute assez peu l'attention. Nous considérerons ici la vaste plaine marécageuse arctique et subarctique de Sibérie occidentale laquelle a été brutalement urbanisée durant les dernières décennies du régime communiste. Que deviennent ces lieux depuis l'effondrement du régime qui les avaient commanditées ? Cette contribution, largement appuyée par l'image à différentes échelles, présente un éclairage sur les transformations des paysages urbains post-soviétiques, situés sur les marges glacées de l'humanité. Contexte La région d'intérêt, la plaine de l'Ob, est ici réduite aux deux districts autonomes (okroug) producteurs d'hydrocarbures : celui de Khantys-Mansis sur l'Ob moyen, produisant surtout du pétrole, et celui de Iamalo-Nenetsie sur l'Ob inférieur, bordant l'océan Arctique et présentant une prédominance de la production gazière (figure 1). Ces deux okroug sont sous la juridiction d'un autre sujet de la Fédération de la Russie, l'oblast méridional de Tioumen, lequel borde le Kazakhstan et se trouve exclu de l'étude. Au total, la zone de recherche couvre une superficie supérieure à 1,3 millions de km², soit près du tiers de l'Union Européenne. Or, à ces latitudes et en arrière des monts Oural qui bloquent les masses d'air océanique, la majorité du sol est gelé en permanence, largement de façon continue et sur une épaisseur plurimétrique. Connue historiquement comme l'espace d'autochtones nomades, principalement cueilleurs-chasseurs-pêcheurs (comme les Khantys et les Mansis), ou éleveurs de rennes De la ville pionnière à la cité Belgeo, 4 | 2018