Le 17 octobre 1938P aulV aléry,l 'invité d'honneur du Congrès Français de Chirurgie, prononce devant un auditoire de plusieurs milliers de chirurgiens un élogieux Discours aux chirurgiens [1]. La tradition veut que le président du Congrès, élu pour un an, invite une personnalité de renom, le plus souvent non-médecin, issue de la société artistique ou de la société civile. En tant que président du 82 e Congrès, le Professeur Henri Mondor (1885-1962) ad emandéàson ami Paul Valéry de faire une conférence à cette occasion tout en rappelant qu'Henri Mondor sera élu à l'AcadémieF rançaise sur le poste de Paul Valéry le 4a vril 1947. Paul Valéry accepte l'invitation d'Henri Mondor,g rand chirurgien, écrivain, auteur Des Hommes de qualité [2] et spécialiste reconnu de Stéphane Mallarmé. Paul Valéry s'étonne de la proposition : « Pourquoi avez-vous adopté la coutume assez remarquable de citer un non-chirurgien à la tribune d'un congrès de chirurgie ?P eut-être pour qu'un profane de bonne foi, avec l'ingénuité d'un passant, dise l'idéeq u'il se fait de leur science, de leur art, et de ceux qui la pratiquent ». Paul Valéry ap leinement conscience de pénétrer dans un milieu réservé aux initiés:«pourquoi moi ? » Il se considère à juste titre comme totalement profane ;ilavoue d'embléeson ignorance de la chirurgie : « Je vous informe de ma parfaite incompétence en matière de chirurgie… Que voulez-vous qui soit plus sensible à un homme dont l'occupation est toute intellectuelle, dont les productions n'étant pas sujettes à aucune vérification ni sanction, ne valent que ce que l'on veut, que de recevoir d'estime et de sympathie de votre part, messieurs, qui savezq uelque chose de certain, qui pouvez quelque chose de positif,q ui penseze ta gissez sous le contrôle perpétuel des conséquences de vosa ctes. » Le thème de la conférence est traditionnellement libre, Paul Valéry choisit de s'aventurer en terre chirurgicale et il se propose de disséquer la chirurgie avecl 'intention d'opérer à son tour ces hommes de l'art, au tour du chirurgien de s'étendre sur la table d'écriture du poète : « Mon but est d'essayerd 'ouvrir la chirurgie, par curiosité,j 'ouvre et je referme comme les chirurgiens ;c omment résister à la tentation de leur faire une biopsie ? » Après avoir remercié en termes chirurgicaux Henri Mondor : « Vous avezv uq uelle greffe de qualités diverses votre président d'honneur apratiqué sur moi », Paul Valéry dans son Discours défend la chirurgie, rend hommage poétiquement aux chirurgiens ;i ls 'associe aux louanges décernées, pour la discipline, par d'autres écrivains. Ensemble, ils compensent à leur manière les écrits émanantd ed é tracteurs à la plume acérée, écrivains ou pamphlétaires, discréditant la profession. La défense Le discours aux chirurgiens de Paul Valéry,c omplaisant at on dit, pour les chirurgiens, a été répercuté et amplifié à l'infini par les éditoriaux. Les chirurgiens étaient trop contents de cet éclairage littéraire par un intellectuel de cette valeur, heureux de trouver un poète pour adoucir la rudesse...