L’article analyse la constitution du suicide carcéral comme un problème public à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et rend compte des expertises mobilisées et des registres d’action esquissés par le Service correctionnel du Canada. Il place la genèse de ces réformes dans le cadre plus large des transformations de l’univers carcéral, au croisement entre la promotion des droits des prisonniers, l’accroissement du contrôle des pratiques pénitentiaires, l’ouverture croissante des prisons à des intervenants extérieurs, notamment médicaux, et la reconfiguration du fonctionnement disciplinaire de l’institution. L’article montre que, même s’ils ne sont qu’esquissés dans les années 1980, les lignes de force et les points de tension des politiques de prévention du suicide en prison apparaissent nettement et selon des modalités qui seront ensuite poursuivies et approfondies, notamment autour des enjeux de recueil et partage de l’information, de classification, d’affectation et de surveillance des détenus considérés comme suicidaires.