Georges FELOUZIS Joëlle PERROTONLes « marchés scolaires » : une analyse en termes d'économie de la qualité * RÉSUMÉ L'étude des marchés scolaires et de leurs conséquences sur les inégalités est aujourd'hui un des objets privilégiés de la sociologie de l'école. Pourtant, l'une des questions est de savoir comment définir ces « marchés scolaires » et comment leur donner un contenu empirique et théorique. C'est le propos de cet article qui analyse les marchés scolaires à partir des catégories de l'économie de la qualité. Deux enquêtes empiriques, l'une sur les collèges et l'autre sur les lycées, nourrissent ici la réflexion pour montrer quelles sont les caractéristi-ques de ces marchés, la façon dont ils fonctionnent, quels en sont les acteurs et quelles conséquences ils produisent sur les inégalités scolaires. Trois résultats principaux ressortent. D'abord que l'éducation est un bien très particulier où l'incertitude sur la qualité est grande, l'information difficile à obtenir et où l'ensemble des acteurs en présence participe du fonctionnement du marché de la qualité éducative. Il ressort ensuite que les acteurs publics sont aussi partie prenante des marchés scolaires en agissant en fonction d'une gestion quantitative des flux d'élèves, et non dans la perspective de réguler explicitement ces marchés. Enfin, nous montrons que les marchés scolaires sont des marchés à « feed-back » : dès lors qu'une part de la qualité scolaire d'un établissement est le résultat de la nature de son public, les marchés scolaires contribuent à en définir par là même la qualité éducative tant du point de vue de l'efficacité que de la qualité de vie scolaire.L'étude des marchés scolaires et de leurs conséquences sur les inégalités est aujourd'hui un des objets privilégiés de la sociologie de l'école. En témoigne le nombre non négligeable de travaux qui traitent des choix d'éta-blissement, des marchés scolaires et des « interdépendances compétitives » entre établissements soit de manière centrale (Meuret et al., 2001 ;Marois, 2006), soit de façon périphérique (van Zanten, 2001 ;Gilotte et Girard, 2004). Comme souvent lorsque l'on aborde les questions scolaires, les résultats scientifiques alimentent le débat public, qu'il s'agisse de la « carte scolaire » et des limites de son application, de la responsabilité des différents acteurs dans la construction même des inégalités liées aux différences entre établisse-ments, ou encore des formes de ségrégations scolaires dans leurs relations 693 R. franç. sociol., 48-4, 2007, 693-722 * Merci à René Di Roberto et à Olivier Cousin pour leur lecture d'une première version de cet article. Les remarques et suggestions des membres du comité de rédaction de la Revue française de sociologie ont grandement contribué à approfondir certains aspects de cet article.