Cet article présente les enjeux et le caractère heuristique d’une approche sonore pour une anthropologie politique de l’environnement. Se fondant sur un projet expérimental et interdisciplinaire mêlant des anthropologues, des écologues, des artistes sonores et des muséologues, il interroge les façons dont une attention au son permet de saisir les dynamiques complexes du plateau de Valparai (Inde du Sud), où s’enchevêtrent régime de plantation et régime de conservation des forêts. Utilisant les marches sonores collectives comme méthode privilégiée de l’enquête, cette approche pose d’emblée la question de la « positionalité » à partir de laquelle nous écoutons le monde, et ouvre ainsi la voie à une cartographie politico-environnementale du territoire, attentive à la circulation des hommes, des animaux et du son. Pour autant, cette lecture n’est possible qu’à la condition d’adopter une posture délibérément ethnographique, c’est-à-dire attentive à des paysages sonores inclusifs dont l’interprétation repose sur un perpétuel va-et-vient entre intuitions épistémologiques et observations sensibles du collectif. C’est ainsi qu’il est possible d’entendre le mille-feuille des bruits du pouvoir — et de ce qui lui résiste.