En revenant sur les conditions d’une enquête par observation prolongée et par entretiens dans deux prisons françaises, cet article questionne la spécificité des enjeux épistémologiques et méthodologiques en milieu carcéral. Il interroge ce que la réalisation d’un travail de terrain sous contrôle fait à la démarche d’enquête et à la délimitation de l’objet. Cet article défend la pertinence d’une approche réflexive en terrain « difficile » qui, au-delà de la seule question des tensions et des dilemmes interpersonnels dans lesquels le ou la chercheuse est prise, prête attention au contexte institutionnel et sécuritaire susceptible d’interférer sur la démarche d’enquête. Cette approche sera discutée à travers trois étapes de la recherche. Il s’agit d’une part de revenir sur les conditions d’accès aux établissement pénitentiaires. L’article montre que l’existence d’une procédure centralisée dans la délivrance des autorisations tend à démultiplier les points de négociation et, par conséquent, fragilise les possibilités d’anticiper les points de blocage. La deuxième étape a trait aux difficultés de positionnement dans un milieu où les suspicions sont importantes. La prison est un terrain où les clivages sont forts mais présente néanmoins des spécificités qui peuvent nous aiguiller sur les manières de surmonter les obstacles en terrain sensible. Enfin, l’article met en évidence la manière dont un terrain sous contrôle peut partiellement réorienter la démarche de recherche, par des formes d’auto-restriction et par le fait d’intégrer à son objet des dimensions imprévues.