Les personnes âgées ne limitent pas la fragilité qu'elles ressentent à sa dimension biologique mais expriment également des fragilités sociale, culturelle et identitaire. Ainsi, s'il leur faut se préserver de tout élément susceptible de détériorer leur santé, elles doivent également faire face à la réduction de leur réseau social, au ressenti d'un décalage culturel et à la désagrégation de leur identité. Ces éléments sont potentiellement des vecteurs de fragilisation qu'une approche gérontologique se doit de considérer. Cet article propose d'illustrer, à travers l'analyse du discours de personnes âgées fragiles, les représentations et le vécu de ces différentes dimensions de la fragilité par les principaux intéressés eux-mêmes : les personnes âgées.
Mots clésFragilité • Personne âgée • Analyse de discours, Représentation sociale • Mode de vie. La fragilité est aujourd'hui un concept central en gérontologie. Il existe à ce titre de multiples définitions et encore plus de moyens et d'outils de mesures [1] de la fragilité. Linda Fried [2-3] en propose deux définitions qui reposent sur le même postulat: la fragilité est un phénomène biologique et physiologique. Résultant d'un déclin biologique et d'une diminution des réserves physiologiques, elle se traduit par un état de vulnérabilité face aux perturbations extérieures. Toutefois, Jean-François Bickel [4] en donne une définition plus large, la fragilité « peut être définie comme un affaiblissement des capacités bio-physiologiques, sensorimotrices, cognitives, de vitalité qui rend l'individu plus vulnérable aux défis de l'environnement et accroît les risques d'accidents de santé (comme les chutes), de pathologies multiples, de déficiences fonctionnelles ; elle tend de plus à affecter la capacité de résilience d'une personne, c'est-à-dire sa capacité à s'adapter face à des évènements perturbateurs ou des contraintes nouvelles en établissant un nouvel équilibre satisfaisant, soit du point de vue de son état de santé, soit de celui de son mode de vie. ». « Maintenant, il faut que je fasse attention » Dans le cadre de nos travaux auprès des personnes très âgées [5] et personnes âgées en situation complexe [6] nous proposons une approche du concept de fragilité à travers le prisme des représentations et du vécu exprimé par les personnes âgées ellesmêmes. Dans le cadre d'une démarche de recherche qualitative inductive, nous avons constitué des groupes d'informateurs essentiels c'est-à-dire des individus à même « de porter témoignage sur leur groupe, leur société, leur culture » [7]. L'analyse des observations directes [8], des entretiens compréhensifs [9] et semi-directifs [10] menés avec ces informateurs confirme la fragilité de ces individus qui expriment le ressenti d'une certaine vulnérabilité en disant « maintenant il faut que je fasse attention ».Malgré le grand âge de certains de nos informateurs (même après 100 ans), ceux-ci refusent d'être qualifiés de vieux [11], terme stigmatisant, mais reconnaissent « se sentir vieillir ». La vulnérabilité est un des éléments q...