Résumé -Réactivité physicochimique des argiles : outils pour l'évaluation de sûreté -Les matériaux argileux naturels ou industriels sont omniprésents dans les concepts de séquestration des gaz acides, de confinement des polluants et déchets radioactifs, ainsi qu'en couverture de réservoirs géologiques d'hydrocarbures. La fonction de piégeage repose sur des propriétés telles qu'une très faible perméabilité, une capacité élevée d'échange ionique et de sorption, et, dans certains cas, sur un fort pouvoir de gonflement. En raison de la petite taille des pores et de leur tortuosité élevée, mais aussi de par leur surface spécifique très élevée et leur charge électrique importante (particulièrement les smectites), les matériaux argileux développent de telles propriétés de confinement. Dans le cadre des évaluations de performance et de sûreté, la persistance de cette fonction de confinement doit être assurée sur le long terme. Les matériaux argileux et l'ensemble des matériaux d'origine anthropique (béton, acier, verre, etc.) vont interagir physicochimiquement au cours du temps. Les argiles vont également être soumises à des perturbations dues au dégagement de chaleur (notamment dans le cas du stockage des déchets radioactifs) ainsi qu'à des transferts hydriques (eau et vapeur). L'ensemble de ces perturbations couplées est susceptible d'engendrer des transformations irréversibles dont il convient d'estimer l'impact sur le comportement à long terme. Pour aborder la complexité de ces phénomènes, nous combinons des méthodes de caractérisation multiéchelles et multitechniques (infrarouge moyen et lointain, diffraction des RX, microscopie électronique à balayage, microscopie électronique à transmission) sur des échantillons provenant d'expériences de laboratoire et d'analogues naturels. Ensuite, les résultats sont intégrés au travers de la modélisation du transport réactif. La sensibilité élevée des smectites est décrite dans le cas des interactions entre les argiles et le fer métallique, expérimentalement et par l'étude d'analogues naturels. Cette étude montre l'existence d'un seuil de rapport de masse fer/argile au-dessus duquel les smectites tendent à être transformées en de nouveaux minéraux à 7 Å, riches en fer, dont les capacités de gonflement et d'échanges cationiques sont largement inférieures à celles des smectites initiales, et ceci de manière irréversible. À titre d'illustration, la méthodologie est également appliquée pour décrire l'illitisation thermique d'une argilite due à une intrusion basaltique. Malgré le travail de caractérisation et de compréhension, la prévision de l'évolution à long terme de tels systèmes complexes est encore sujette à caution. Modéliser le comportement global des matériaux argileux reste une tâche difficile en raison du fort couplage, présenté par la suite, entre les phénomènes chimiques, mécaniques et de transport, potentiellement contrôlés par une phase de gel smectique, physiquement délicate à prendre en compte.