Dans le gouvernorat de Kébili au sud de la Tunisie, les zones irriguées se sont fortement développées ces 30 dernières années. Le système oasien traditionnel, fondé sur des cultures organisées sur trois étages et sur les complémentarités entre agriculture et élevage, a été fragilisé. De nombreux agriculteurs se sont limités à la production de dattes, à la fois dans les oasis traditionnelles et dans les nouvelles zones irriguées. Le présent article mesure l’influence de la disponibilité en eau et de différents facteurs relatifs aux orientations des agriculteurs, sur leur décision de mettre en œuvre des pratiques agricoles écologiquement intensives. Les principales pratiques étudiées sont la culture d’arbres fruitiers sous les palmiers et l’utilisation du fumier comme fertilisant. Cinquante agriculteurs, qui ont obtenu au début des années 2000 la gestion de terres agricoles dans la municipalité de Jemna, ont été interrogés. La disponibilité en eau est un facteur majeur facilitant les pratiques écologiquement intensives. Ces pratiques sont aussi favorisées par le fait que le revenu familial soit avant tout tiré de la parcelle dans la zone d’étude. Un autre facteur important est l’intérêt pour une gestion durable de l’exploitation agricole – au contraire d’une gestion visant une rentabilité à court terme. Des agriculteurs de Kébili, qui veulent faire de l’agriculture un projet économique et un projet de vie, sont ainsi prêts à mettre en œuvre des pratiques écologiquement intensives. La baisse de l’agrobiodiversité observée dans les oasis traditionnelles du Sud tunisien n’est pas inéluctable, si l’accès à l’eau est amélioré et si de tels projets de vie fondés sur l’agriculture sont plus aisément réalisables.