Femmes et emprisonnement : le marquage du corps et l’automutilation

Abstract

Résumé À l'aide d'entrevues avec des femmes incarcérées dans un établissement cor- rectionnel provincial, l'auteure nous invite à réfléchir sur les effets de l'incarcération sur le corps des femmes et plus particulièrement sur la signification de l'automutilation. Cet article situe l'automutilation chez les femmes incarcérées dans une perspective plus globale du marquage du corps en prison et comme un cas de figure de la trajectoire iden- titaire trouble de ces femmes. Dans cette perspective, le « corps » est conçu comme un site central de la manifestation du pouvoir pénal. Cette discussion se divise en quatre parties. Une première partie présente un profil des femmes incarcérées au Canada. Une deuxième retrace l'itinéraire théorique, méthodologique et épistémologique, emprunté dans cette démarche de recherche. Une troisième présente les résultats de la recherche sur ce corps enfermé autour de deux axes conceptuels : le corps comme site de contrôle et le corps comme site de résistance. Une quatrième et dernière partie tente de proposer des pistes pour penser l'automutilation dans une perspective plus large d'analyse.

La danse en prison, une échappée belle hors des murs ?

“…(Jenny, Schulmann et Stehr, 2003 : 52) De la France au Québec, la compagnie Point Virgule, qui est constituée de danseurs, comédiens, collaborateurs artistiques, crée avec et pour les prisonniers un moment unique de reconquête de soi, de son corps par la danse -moment qui laissera sa marque, sa trace, comme nous le verrons, sur toutes les facettes de vie de la personne. Les femmes en prison ont souvent des corps en souffrance (Frigon, 2001) (Harding, 1986(Harding, , 1987(Harding, , 1991Smith, 1987). L'approche qualitative de type biographique (récits de vie) a été favorisée car l'enquêtée est au coeur de l'analyse (Paillé, 1994).…”

“…En effet, d'hier à aujourd'hui, les savoirs criminologiques et les pratiques pénales qui s'y rapportent s'appuient, en partie, sur une lecture, une connaissance des corps. Comme d'autres recherches l'ont montré (Frigon, 2001(Frigon, , 2009, les récits des femmes nous montrent comment le corps est le site central de la manifestation du pouvoir. Ainsi, par l'entremise du marquage, de la transformation et de la gestion des corps, le pouvoir de punir s'installe et se perpétue (Frigon, 2007).…”

“…Le processus de mortifi cation associé au passage au pénal provoque un égarement de l'identité. Si l'on considère plus spécifi quement les états de corps rencontrés au sein de différents centres de détention de femmes, il est possible d'appréhender le corps à la fois comme site de contrôle et comme site de résistance (Frigon, 1996 ;2001). La pratique de la danse en milieu carcéral permet, parfois, de résister, par le corps, à l'oppression de la prison et elle se décline de maintes façons et s'exerce dans différents pays (Frigon et Jenny, 2009).…”

Cutting Knowledge: The Pathologization of Self-Injury in Correctional Discourse

“…The manipulation model was eventually met with heavy criticism for its failure to consider self-injury as an honest cry for help or as a sign of emotional distress or despair, especially with respect to women prisoners, whose self-injury was never considered to be an act of institutional resistance or an assertion of agency (Fillmore & Dell, 2000Frigon, 2001;Holley & Arboleda-Florez, 1998;Kilty, 2006Kilty, , 2008bLiebling, 1995).…”

“…Grounding their theorizations in critical feminist literature on self-injury as an act of resistance (e.g., Coy, 2009;Inckle 2007;Pitts, 1998Pitts, , 1999, self-injury has been theorized as a means to resist the lonely and oppressive environment of the prison (Bailey, 2009;Frigon, 2001;Groves, 2004;Kilty, 2008b;Rhodes, 1998) and as a response to histories of trauma, abuse, victimization, and/or criminalization (Fillmore & Dell, 2000. Selfinjury has also been theorized in contemporary sociological literature as a gesture or 'body-as-text' in the sense that it embodies testimony relayed through the body (Cresswell, 2005;Hewitt, 1997;Kilby, 2001;Lingel, 2008), as performativity of the body (Jaworski, 2003), as an assertion of agency (Coy, 2009;Kilby, 2001;Medina, 2011;Pitts, 1998), and as a reflexive practice of embodiment whereby self-injury is seen as quite literally engaging with the self through the skin (McLane, 1996; for reflexive practices more generally, see Adkins, 2002;Cronin, 2000).…”