Avec « La remarquable famille Schreber », l’auteure revisite les lectures qui ont constitué durant un siècle le cas Schreber comme paradigmatique de la paranoïa, depuis celles de Freud et Lacan, jusqu’au tournant interprétatif des années 1960-1980 qui élargit la problématique de la folie du sujet à l’éducation familiale et plus précisément paternelle, justifiant le sous-titre : « une histoire de père en fils et ses exégètes ». Centrée initialement sur l’étude d’une pathologie, son origine événementielle, son étiologie et sa préhistoire médicale, la focale de l’étude du cas Schreber se déplace et s’élargit à ce qui fait délirer un sujet (l’état psychique d’un père, son éducation tyrannique). Ainsi, des tendances épistémologiques dans la clinique du « cas Schreber » rivalisent, selon qu’elles imputent la causalité psychique à la gouverne du sujet et à la faillite du Nom-du-Père ou à une causalité externe, à la croisée du transgénérationnel et des orientations éducatives du père, symbole d’une « pédagogie noire » fortement dénoncée en Allemagne et dans l’aire anglo-saxonne depuis les années 1970. L’article passe en revue ces différentes lectures et en questionne les manques, particulièrement la fonction des femmes dans la remarquable famille.