Merci de vous référer à la version publiée dans vos discussions de notre article. Être vétérinaire La profession vétérinaire dans les recherches en sciences sociales En ce début de XXIe siècle, la profession vétérinaire semble connaître une transformation profonde, au point que ses représentants s'inquiètent de sa possible disparition, alors qu'elle avait su construire, puis défendre, son monopole et sa juridiction au fil des ans. Les organisations professionnelles s'efforcent d'identifier les causes de cette évolution, d'en mesurer les implications et d'en contrôler les effets. Depuis 2015, en Europe et aux États-Unis, plusieurs d'entre elles ont ouvert un chantier de prospectives visant à faire état des enjeux auxquels les vétérinaires sont confrontés, et à proposer des plans d'action pour assurer la pérennité de leur activité. Il s'agit des programmes « Vetfuturs », d'abord initié par le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) et la British Veterinary Association (BVA), repris et adapté par leurs homologues français, le Conseil supérieur de l'ordre vétérinaire (CSOV) et le Syndicat national des vétérinaires libéraux (SNVEL), puis par la Fédération des vétérinaires européens (FVE). Aux États-Unis, des réflexions similaires émanent de l'American Veterinary Medical Association (AVMA) depuis le début des années 2010, portant en particulier sur les besoins démographiques (workforce needs) selon les secteurs ou en cas de crise sanitaire, et sur les évolutions du marché des services vétérinaires. Les différents rapports produits ont beaucoup en commun. Ils s'inquiètent de l'attractivité de la profession et de conditions de travail de plus en plus difficiles, des difficultés d'installation en exercice libéral, des situations de burnout et de stress au travail d'un côté, et de chômage ou de sous-emploi de l'autre, etc. Les changements de la composition sociodémographique du groupe professionnel sont souvent accusés d'être à l'origine de ces difficultés. Ainsi le renouvellement générationnel, qui s'accompagne depuis deux ou trois décennies d'une forte féminisation et d'un recrutement au sein de populations plus urbaines et aux origines socioéconomiques plus élevées, expliquerait la désaffection des vétérinaires pour la pratique rurale au profit de la médecine pour animaux de compagnie. Ce basculement dans la structure des spécialités 1 est souvent considéré comme le signe du déclin du statut social du vétérinaire (historiquement, la « rurale » est la pratique dominante sur laquelle la profession s'est symboliquement appuyée pour construire et défendre son monopole), comme de son 1 Enjeu essentiel de la professionnalisation, la question des spécialités reste mal définie en médecine vétérinaire. Lowe (2009, p. 57) distingue au moins trois manières de la concevoir : "a set of specialisms that take a whole animal approach to an individual or group of species (cattle, pigs, poultry, sheep, goats, deer, and fish) ; a series of mainly clinically-based specialisms, based around either a body system (e.g. ophthalmology) or t...