Au cours des années 1980 et 1990, dans le même temps que les partis politiques de la droite et de la gauche subissent un lent affaiblissement militant, les milieux populaires français vivent mal la succession de reniements de ses engagements par la gauche au gouvernement, sans pour autant que la droite n'en profite vraiment dans les urnes 2 . Alain Bihr dresse d'ailleurs un bilan plutôt négatif de cette période pour les milieux populaires : chômage de masse, précarité, baisse du pouvoir d'achat, démantèlement du système public de protection sociale, exclusion et inégalités sociales, sentiment d'insécurité, désocialisation à la suite du délitement syndical, politique et administratif, restructurations industrielles et déréglementation, entre autres 3 . Dans ce contexte général de recomposition politique et sociale, l'extrême droite française a su se forger une place de choix 4 . Peu à peu, son principal représentant dans le processus électoral démocratique-le Front national (FN)-est devenu une force politique majeure et a réussi alternativement à intriguer, passionner, frustrer et/ou apeurer 5 . C'est aussi dans ce contexte qu'émergent de nombreuses associations issues de la société civile française qui s'affirment représentatives de la véritable gauche contestataire et antilibérale 6 . Plusieurs d'entre elles ont pour vocation la défense des personnes dominées et notamment ceux que l'on dénomme les « sans » : les sans-logis, les sans-papiers, et les sans-emploi. Les actions de ces personnes illustrent ce que certains auteurs identifient comme le retour de la question sociale, l'irruption de nouvelles formes de citoyenneté, l'affirmation de la société civile ou l'émergence de nouvelles luttes de classes 7 . Le FN et les « sans » (et leurs défenseurs) font donc irruption sur les scènes politiques et sociales dans un même contexte de mutations tout en se réclamant de pôles idéologiques opposés. Dans des études consacrées à l'interface entre